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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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granit et la peau du cœur plus épaisse qu’un cuir de taureau d’Espagne… C’est d’ailleurs le privilège des grands vaincus de manger avec leurs vainqueurs… Jean II, dit-on, s’en est moult réjoui au soir de Poitiers… Moi, je refuserais. J’alléguerais que je n’ai point d’appétit. Il existe dix façons de récuser une invitation pareille. On peut prétendre même qu’on est emmaladi, opprimé par trop de diffame (519) . Il ne m’étonne pas que ce falourdeur répugne à costier ses Bretons. Il se dit qu’ils l’ont trahi. Mais le traître, c’est Tello.
    –  Budes, qui admirait Bertrand, son cousin, est courroucé de le voir ainsi.
    –  Pour lui, c’était un dieu (520) .
    1 2
    –  Le dieu Mars en avril. j
    Soudain, deux voix s’élevèrent : Édouard et Pèdre se querellaient.
    –  Le maréchal de France l’a dit lui-même, hurlait Pèdre. Le vainqueur, c’est moi. J’exige les prisonniers… Tous !… Je vous paierai leurs rançons, mais il me les faut.
    –  N’en déplaise à votre majesté royale, répondit le prince furibond, ce n’est pas à bon droit que vous me demandez ces hommes. Ils appartiennent à mes seigneurs, lesquels ont combattu pour l’honneur, de sorte que leurs prisonniers quels qu’ils soient sont bien à eux. Or, pour tout l’or du monde, mes bons sires ne vous les livreraient point, sachant bien que vous ne les demandez que pour les faire occire ! Quant aux chevaliers qui furent vos vassaux, contre lesquels sentence de félonie a été rendue avant cette bataille, je consens à ce qu’ils vous soient remis.
    Tristan soupira : le vent de mort allait peut-être souffler en tempête, une fois de plus. Édouard se montrait conciliant, mais Pèdre n’en avait cure.
    –  Puisque vous le voulez ainsi, je tiens mon royaume perdu pour moi plus qu’il n’était hier. Si vous laissez vivre ces hommes, vous n’avez rien fait pour moi. Votre alliance m’a été inutile, et c’est en vain que j’ai dépensé mes trésors à payer vos gens d’armes !
    Tristan entendit gronder les hommes liges  d’Édouard : ils avaient souffert et gagné la bataille. Tandis qu’ils férissaient hardiment l’ennemi, aucun d’eux n’avait songé à sa quote part du butin.
    –  Sire cousin, dit Édouard en s’efforçant à une sérénité qui devait lui coûter, pour recouvrer votre royaume, vous avez de plus sûrs moyens que ceux par lesquels vous avez cru le conserver, et qui, de fait, vous l’ont fait perdre. Croyez-moi : renoncez à vos rigueurs d’autrefois et songez à vous faire aimer de vos ricos hombres et des communes. Si vous reprenez vos anciens errements, vous vous perdrez et vous mettrez en tel état que ni monseigneur le roi d’Angleterre, ni moi ne poumons vous renouveler notre aide quand même nous en aurions la volonté (521) .
    –  Je suis roi, beau cousin !… Pensez-vous qu’il me faille bénir plutôt que punir les traîtres qui m’obligèrent à une fuite dont la malaisance et la fureur n’ont cessé de hanter ma mémoire ?
    Si Tristan ne pouvait discerner les visages des deux adversaires, il les imaginait sans peine. Édouard, quelque obèse qu’il fût, croyant encore incarner la Chevalerie avec toutes ses passions désordonnées, ses exagérations, ses fautes de discernement, mais aussi sa vaillance et son intégrité ; et près de lui. Pèdre soutenu par un maigre mais violent aréopage ; Pèdre, installé dans sa nouvelle magnificence ; un despote privé, lui, de tout esprit chevaleresque ; un guépin ayant éliminé tout le factice qui, derrière une éloquence fleurie et des courbettes, dissimulait un monceau d’intentions troubles, maléficieuses et non des sentiments sincères. Un prince malade, un roi régénéré par la haine : quoique son orgueil en souffrît, Édouard se voyait contraint à des concessions dont son cousin serait opportunément châtié – du moins voulait-il qu’il en fut ainsi.
    –  Soit, dit Pèdre avec une résignation qui empestait la cautèle et la mauvaiseté. S’il vous plaît de traiter vos vaincus sans rancune, libre à vous, mon cousin. Vivent Pâques fleuries 350 qui vous poussent à la miséricorde envers ces gens que sont Guesclin, Audrehem, le Bègue de Villiers, le sire d’Antoing et d’autres !... Je ne suis pas, moi, de votre espèce. C’est pourquoi je vous requiers et prie en amitié que vous me veuilles délivrer les mauvais traîtres de mon pays : mon

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