Les fils de Bélial
assiéger. Mon frère le bâtard les conduit car ils l’ont couronné à Burgos, je ne puis le nier. Je vous prie, seigneurs, et je vous requiers que vous me vouliez tous aider et conforter comme votre souverain légitime. J’en ai bon besoin. Je vais à Sévilie chercher du secours. Pour que je puisse venger cette honte, je me voudrais allier au roi de Benemarin 22 et au roi de Grenade s’ils me veulent aider. » Voilà…
– En êtes-vous marri ?
– Je ne sais… Nous avons promis de garder la cité. Pèdre s’en est allé avec son lourd trésor. L’évêque nous a réunis pour nous dire : « Seigneurs, le roi Pèdre s’en va. Il emporte son trésor et ne nous laisse rien. Cela signifie qu’il ne reviendra plus. » Et cet homme que j’ai vu baiser les pieds de Pèdre d’ajouter : « C’est un mécréant roi et il lui mésaviendra. Si nous l’attendons, le peuple y perdra. Or, avisez-vous car ces gens-là qui sont avec Enrique, savez-vous combien il en a ? Des milliers !… S’il nous a par la force, rien ne nous demeurera. » Et les bourgeois de s’écrier l’un à l’autre : « Rendons-nous. Laissons aller don Pèdre. C’est un roi sans pitié. » Mais je sais, moi, que l’usurpateur est aussi mauvais que Pèdre et que votre Guesclin est assoiffé de sang.
– Je vous approuve.
– Des hommes sont passés sans entrer dans la ville. Une avant-garde, sans doute. C’est ce qu’on m’a dit ce matin et j’ai bien cru que vous en faisiez partie… Des bourgeois hardis, je dois le reconnaître, se sont fait remettre les clés de Tolède pour aller les présenter au roi Enrique. J’imagine l’évêque mitré, crossé, accueillant le nouveau maître à bras ouverts : « Noble roi ! Dieu vous veuille garder ! Voici ceux de Toledo qui vous viennent livrer les clés de la cité. Ils se rendent à vous et vous requièrent humblement que vous y veuillez entrer demain et que, de votre grâce, vous leur juriez de maintenir et garder leurs libertés et franchises. » Et le roi d’approuver… Mais c’est un roi de paille. Nous le savons ici : c’est Guesclin qui décide.
– Je n’ai rien à vous apprendre.
– Hélas !… Guesclin est un fauve, une crapule… Garcie Alvarez, qui commande nos hommes d’armes, a décidé de résister. Il est maître de Saint-Jacques par la volonté de don Pèdre depuis la mort de don Fadrique et de Gonzalo Mexia, vieux serviteur d’Enrique… Sa résistance durera le temps de quelques sons de cloche… La juiverie de la cité tremble dans ses maisons et ses synagogues : quelques années avant cette guerre 23 , nos Juifs ont fait en sorte de bouter Enrique hors des murs. Il s’en souvient certainement. Aussi s’attendent-ils à devoir acquitter une amende immense dès sa venue. Ils amassent en ce moment leurs joyaux et leurs maravédis… Ils s’effraient à l’idée que Guesclin peut entrer dans les murs.
– Ayant appris de quoi ses Bretons sont capables, je les comprends !
– Teresa et Simon sont Juifs, n’est-ce pas ?
– Oui.
– Craignez pour leur vie en dehors de Tolède. Si j’étais vous, je les laisserai chez moi.
Tristan sourit, touché par ce propos. Il avait eu cette pensée. Il se voyait exaucé.
– Leur grand-père m’a demandé de les mener dans leur famille. Un endroit, m’a-t-il dit, où nul ne les maltraitera.
– Où est-ce ?
– Guadamur.
– Bah ! fit simplement Pedro del Valle.
Et Tristan s’informa :
– Connaissez-vous un Julio Pastor dont la maison est proche de l’église Santiago del Arraball ? C’est à lui que je dois remettre ces enfants. S’il est parti, je dois aller à Guadamur.
Pedro del Valle baissa la tête puis, faisant quelques pas et revenant à Tristan :
– Julio Pastor est demeuré fidèle à don Pèdre. Tellement fidèle qu’il a quitté Tolède avec lui… Sa femme est aussitôt partie pour Guadamur. On dit que sa vergogne est profonde et qu’elle ne veut plus revoir son mari.
– J’irai à Guadamur. J’en ai fait la promesse.
Tristan savait qu’il s’obstinait bêtement. Teresa et Simon eussent été heureux, choyés par Cristina et Claresme.
– Je n’ai point de souterrain pour nous sauver, dit Pedro del Valle, mais une cave où j’ai mis en réserve de la nourriture, de l’eau, du vin pour le cas où Toledo subirait quelques jours la loi de ses vainqueurs et les Juifs un nouveau martyre. Ce refuge, nul n’en
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