Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
relever peu ou prou la partie de fer protégeant la face, pour découvrir son visage aux amis ou aux ennemis, nécessitait un geste qui, le temps passant, était devenu un salut amical ou hostile. Tristan se détourna de toutes ces merveilles.
    –  Messire, dit-il à Pedro del Valle, quittons ces lieux, voulez-vous ? C’est un univers de tentations que je suis incapable de satisfaire… À qui sont ces beautés ?
    –  Le seigneur de Guadamur, le chevalier de Valverde, Hurtados de Mendoza, Pacheco-Acuna, marquis de Villena… Don Juan Lopez de Amaya, Comendador de Santiago, en la villa de Alarcôn… Ce sont des ricos hombres dont la valeur est aussi manifeste que la fortune.
    Était-ce un avertissement ? Pour en juger, il eût fallu savoir de quel roi se réclamaient ces hommes. Tristan n’osa poser la question qui, en l’occurrence, lui paraissait essentielle : « De qui vous recommandez-vous, messire ? Pèdre ou Enrique ? » Suivant son hôte dans un escalier, il atteignit un balcon en encorbellement d’où en plein jour on dominait des maisonnettes, des jardinets et peut-être ce qui semblait un couvent.
    –  C’est beau, dit-il en s’accoudant au garde-corps de bois ajouré dont le vernis brillait çà et là.
    Il avait vu le soleil décliner sur Tolède avec une nonchalance singulière. Il avait vu le ciel indécis – entre la nacre et le rubis – absorber lentement les détails des toits et des façades et jusqu’aux moignons de la cathédrale pour ne laisser subsister que les immuables contours de la terre et d’un château lointain qui n’était peut-être que l’éphémère caprice d’une montagne aux crêtes déchiquetées. Maintenant, c’était la nuit, une nuit bleu sombre comme la chevelure de Cristina, piquetée des lucioles des lampes, des chandelles, des pots à feu ; criblée des pétillements des étoiles, et dont on ne pouvait discerner jusqu’où s’essoraient les clartés d’en bas et où tombaient celles d’en haut. L’instant était magique, voire capiteux. Une paix formidable étreignait la cité.
    –  Vous êtes bien chanceux, messire del Valle, de vivre ici et ainsi.
    L’armurier ne dit mot. Sa tête s’inclina pour un assentiment. Tristan soupira. L’instant présent lui convenait. Il oubliait tout : son passé roulé dans une sorte de vague translucide où l’ombre conglutinait d’autres ombres, vivantes ou mortes ; le présent occupé d’aventures mortelles et l’avenir composé de sang et de ténèbres. Souvent sans doute, les premiers jours, les premiers mois de son installation, la douce Claresme avait dû s’abstraire en ce lieu. Il l’imagina, les mains posées sur la poutre du garde-corps, contemplant les feux de la nuit et tournant souventefois sa vue très au-delà de ces maisons, de ces arbres aux feuilles noires dont certaines, palmées, lui étaient inconnues. Avait-elle éprouvé du regret d’être là ? S’était-elle sentie définitivement attachée à cette cité de plus en plus bruyante en son centre à mesure que l’ombre l’inondait, ou bien avait-elle secrètement versé maintes larmes en érigeant dans son esprit ce Rechignac altier autant qu’imprenable qu’Ogier d’Argouges ne pouvait décrire sans émoi ?
    Tristan écoutait, montant du jardin par quelque fenêtre ouverte, la voix de Teresa mêlée à celle de Cristina, puis celle de Simon donnant la réplique à Juan le contrefait. Plus loin, très loin dansaient et bourdonnaient des tambourins et plus loin encore des chiens hurlaient peut-être en s’entre-déchirant.
    –  On raconte, dit Pedro del Valle, les yeux levés vers les étoiles, on raconte qu’un de ses astronomiens a dit à Pèdre qu’il serait un temps dans la tribulation de Nabuchodonosor qui perdit son royaume, mais que la Castille reviendrait en sa domination. Qu’il se vengerait alors de ses ennemis et que l’aigle – votre Guesclin – serait mis en cage par le fait d’un faucon qui volera pour lui restituer son trône. Je ne sais qui sera ce faucon, mais ce que je peux vous dire, c’est qu’avant son départ, le roi Pèdre nous a réunis à l’Alcâzar. De bon ou mauvais gré, il fallut nous y rendre. « Seigneurs , nous a-t-il dit, l’infortune me court sus et me fait trébucher. Vous avez une bonne ville. Les murs sont entiers, les fossés sont forts. Vous pourrez bien tenir un an tout entier car vous avez à boire et à manger. Je sais bien que mes ennemis vont venir vous

Weitere Kostenlose Bücher