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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’exprimait ainsi, et c’était pourquoi il se sentait percé, à la fois très seul et réchauffé par cette similitude. Il s’aperçut alors – seulement – que la robe de Cristina était rouge, à plis lâches et dénoués qui, cependant, laissaient deviner un corps ferme et moelleux, aux rondeurs capiteuses. La pucelle tenait dans ses mains blanches aux doigts longs, effilés, un volet de guipure et des ciseaux dorés.
    *
    L’atelier était vide. L’odeur complexe qui stagnait là, mélange des relents du fer martelé à froid et à chaud, de l’eau de trempe et de l’axonge, était celle que Tristan avait respirée dans l’échoppe de maître Goussot lors d’un de ses passages à Paris. Cependant, s’il la humait avec un plaisir extrême, c’était qu’il se trouvait dans un espace vaste, propre, encombré d’armes et de défenses de fer si nombreuses qu’il ne pouvait que s’en merveiller.
    Il avait laissé Paindorge et ses gens s’installer dans le galetas de l’écurie ; quant à Teresa et Simon, ils avaient disparu sitôt avalé un repas apprêté en hâte et dont l’essentiel se composait de tranches de ternera – veau – et de vins tolédans – Cubas et Orgaz – dont la saveur et la subtilité lui échauffaient le sang : il se sentait le nez et les joues rouges.
    –  J’emploie toujours, dit Pedro del Valle les deux compagnons qui étaient avec moi à Rechignac : Blasco et Martinez. Deux jeunes maintenant nous apportent leur aide.
    –  Vous excellez, messire, dans cet art qui à mes yeux, dépasse celui des imagiers de pierre. Vos images à vous se meuvent et étincellent. On dit, en France, que les armuriers d’Espagne ne valent rien. Que vos chevaliers font la guerre en almogavares, autrement dit, vêtus à la légère comme les derniers de nos piétons…
    –  Les caballeros de Saladin la faisaient ainsi, sur de petits chevaux qui n’avaient pour houssement que la poussière du désert. Ils ont vaincu tous vos prud’hommes.
    Tristan acquiesça et morose, en mal de confidence :
    –  Notre hautaineté folle et inguérissable nous a coûté la Terre-Sainte, et depuis que nous guerroyons contre Édouard III, notre pays se meurt… Ce que je tenais à vous confier, c’est que je me suis aperçu qu’à propos des armures de fer, nous nous étions trompés une fois de plus. À Burgos, dont nous sommes partis en hâte avant le sacre de don Henri, j’ai vu moult chevaliers adoubés comme nous… Et je vois également – sans surprise, puisque mon beau-père m’avait édifié sur vos dons et votre science -, que vous œuvrez aussi bien, si ce n’est mieux, que les fèvres de France, d’Angleterre et d’Italie. On prête au roi Charles l’intention d’interdire l’exportation des armures. C’est, si j’ose dire, un coup d’épée dans l’eau car nous n’avons rien à vous apprendre. Et je me demande pourquoi – car c’est là une contradiction -, il veut acquérir à Milan des haubergeons et des armures que nos mailleurs et nos batteurs de plates sont capables de lui fournir… Quant aux chevaux, nous en avons en suffisance, mais il en veut de Pouille et d’Allemagne !… Lorsque je vois vos genets et vos chevaux de trait, lorsque je vois vos armures et vos armes, j’ai crainte qu’après Crécy, Poitiers, Brignais, et malgré les errements du roi Pèdre, nous ne soyons vaincus sur la terre d’Espagne.
    –  Vous n’y êtes pas chez-vous. Le peuple vous a en exécration. Briviesca, Boija, Magallôn et cent villages réduits en cendres vous ont préjudicié pour toujours. J’ose vous le dire car je vous considère comme un ami : le prolongement d’Ogier d’Argouges.
    Plutôt que de répondre – et qu’eût-il répondu ? -, Tristan regarda les armures posées sur des socles de chêne. Il y en avait dix. Elles resplendissaient à la lumière des flambeaux allumés par Pedro del Valle. Hantées par des seigneurs, elles l’eussent inquiété. Vides, alignées épaulière contre épaulière – comme pour une montre avant une bataille -, elles exerçaient sur lui une fascination neuve, vive, imprévue, délicieuse. Toutes différaient par la taille et l’aspect. Aucun bassinet ne ressemblait à son voisin. Quelques-uns, à la visière en bec de passereau, s’apparentaient aux italiens ; d’autres, aux timbres plus proches du globe que de l’ogive, étaient pourvus d’une visière qui pouvait glisser en arrière de la nuque. Cette habitude de

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