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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’assaisonner le vin ou la cervoise de celui qu’on déteste et dont le trépas sera inexplicable… Et j’y reviens : à votre place, je n’irais pas à Guadamur. Au prochain chemin, j’obliquerais à senestre et chevaucherais jusqu’en Alarcôn. C’est une île de pierre entre des précipices. Une petite cité défendue par un gros château. Il appartient à Martin Ruiz de Alarcôn 24 auquel j’ai fait une armure. C’est un pays perdu. Il faut passer par Sonseca, Mora, Tembleque, Quintanar de la Orden et Belmonte. En lui disant que vous venez de ma part, Martin Ruiz vous accueillera.
    –  Eh bien, dit Tristan, si nous ne trouvons personne à Guadamur, nous irons mettre ces deux enfants sous la protection de Martin Ruiz.
    Déjà, Pedro del Valle était en selle. Déjà, il remuait une main en signe d’adieu. Puis il fît brusquement galoper son genet et disparut derrière un détour de la pente.
    –  Quel homme ! dit Paindorge. Est-il pour Pèdre ou pour Enrique ?
    –  Il est pour continuer de forger ses armures.
    –  Tolède, dit Petiton, s’attend à un assaut. Avez-vous vu sur tous les murs ces tristes-à-pattes 25  ?
    –  Non, avoua Tristan.
    –  Vous étiez dans vos pensées… Ça se voyait !
    Eudes eut un bref éclat de rire. « Que croit-il ? Que je songeais à Cristina ?… Peut-être. » Serrano remua les cordes de sa guiterne puis chassa l’instrument dans son dos. Alors, sans trop les observer, Tristan s’aperçut que ses compagnons avaient le cœur gros. Ils eussent voulu rester là, sur ces rochers dominant Tolède, pour voir une seconde fois le crépuscule du soir déployer ses féeries sur cette cité d’un rose comparable à celui de la chair. Et c’était bien une cité charnelle qu’ils abandonnaient. Devant eux, en une ligne indéfinie piquetée d’ifs et bourrelée d’oliviers, s’ouvrait le petit chemin de Guadamur. Il semblait que très loin s’enfantaient des orages.
    *
    Le soleil s’enivrait d’être seul dans le ciel. Aucun nuage. Aucun oiseau. Les mains semblaient fondre sur les rênes. Seuls les chevaux avançaient sans ressentir apparemment ces brûlures qui incommodaient tant les hommes dont les pourpoints humides se tavelaient de taches brunes.
    Petiton se détourna vers Simon :
    –  Mon gars, les premiers mots que je dirai à ta vieille taye 26 seront ceux-ci : «  À boire ! » Et je viderai trois chopines d’eau claire.
    –  Dès ta dernière gorgée, compère, approuva Tristan, tu feras boire nos chevaux. Ce sont d’excellentes bêtes.
    Il caressa l’encolure d’Alcazar qui, tout vaillant qu’il fut, commençait à baver et à secouer la tête en tous sens.
    –  Moi, dit Lebaudy, j’aimerais dormir.
    La voix de Serrano succéda aux premiers accords de sa guiterne :
    Nadie se acérque à mi cama
    Que estoy consumir de pena
    El que muere de mis males
    Nenito de mi querer
     El que muere de mis males
     Hasta las ropas le queman 27
    –  Je ne comprends rien, dit Jean Lemosquet, mais il chante bien. Chez-nous, on dit qu’un mauvais chanteur amène la pluie. La bonne chance n’est point de notre côté.
    Dos besos, tengo en el aima
     Que no sé apartan de mi
     El ultimo de mi madré
     Y el primero que te di 28
    Le chant s’interrompit brusquement. Quelques maisons venaient d’apparaître. Leurs murs et leurs toits noirs, les arbres nus, lugubres, qui se dressaient au centre et sur le pourtour du hameau révélaient qu’on avait perpétré quelques crimes. Et qu’ils étaient récents : des cendres fumaient encore.
    –  Merdaille, dit Paindorge.
    Un nom vint aux lèvres de Lebaudy :
    –  Naudon ?
    –  Non, Girard. Bagerant n’est pas un incendiaire. Je crois fermement qu’il recherche avec ses deux compères le meurtrier de la reine Blanche.
    –  Alors qui ? demanda Eudes.
    Tristan n’osa se retourner bien qu’il eût deviné que Babiéca s’approchait, mené par Teresa d’une main sûre.
    –  Que pasa ?
    Elle découvrit alors les ruines au-delà d’un pré où, entre deux poteaux, du linge mis à sécher flottait encore comme les parures oubliées d’une tragique fête païenne.
    –  Vamos a ver ?… Oh ! Pardon : nous allons voir ?
    –  Je crains que…
    –  Ne craignez rien, messire Tristan. J’ai d’autant moins peur que je ne connaissais pas ces parents chez lesquels mon grand-père nous envoyait, mon frère et moi… Et à Burgos, j’ai vu contre mon gré tant de

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