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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’échangèrent plus un mot. Serrano chantait, à l’arrière, mais pour lui seul. Tristan osa :
    –  Cristina est-elle fiancée ? À-t-elle un novio ?
    L’armurier eut un triste sourire :
    –  Elle est notre fille unique… Elle veut entrer au couvent… Rien ne peut effacer cette idée de sa tête. No hay remedio.
    À nouveau le silence.
    –  Dommage, dit Paindorge. Quand une fille est belle, Dieu pourrait s’en passer !
    L’on rit, mais c’était un rire triste. Et comme il regardait la hanche de del Valle, Tristan s’aperçut qu’il avait ceint une épée dont le fourreau semblait neuf. Ayant chevauché à sa dextre, il ne l’avait pas remarquée.
    –  Voilà, mon ami Francés, nous sommes au sommet de la montagne… Non, ne vous retournez pas : vous verriez Toledo et le regret vous saisirait d’y avoir passé trop peu de temps.
    L’armurier mit pied à terre ; Tristan, grave, en fit autant. Les autres demeurèrent en selle, sauf Teresa qui voulut embrasser le Tolédan :
    –  Muchas gracias…
    Elle n’en dit pas davantage et tandis qu’elle revenait se jucher sur le paisible Babiéca, Tristan vit son dos secoué de sanglots.
    –  Cette enfant a peur, messire. Vous auriez dû me la laisser.
    –  Je le sais, mon ami, mais je tiens ma promesse.
    L’armurier déboucla sa large ceinture d’armes. Tristan, ébahi et admiratif, vit que le fourreau en était de cuir bleu, serré par quatre viroles d’argent et d’une bouterolle qui peut-être était d’or.
    –  Prenez ceci, messire.
    –  Quoi !… Mais je ne veux…
    –  Prenez donc, amigo mîo ! C’est une espada que j’ai décidé de vous offrir. J’ai décelé en vous un preux, comme vous dites. Et c’est un grand plaisir qu’on se fait à soi-même de faire honneur à quelqu’un qui vous plaît… Je vous laisse le soin de lui trouver un nom.
    –  Messire, je n’ose…
    –  Osez !… On dit de nos lames qu’appuyées sur un bouclier, elles se plient comme un roseau… et cependant, elles tranchent un heaume sans s’abîmer.
    Tristan s’était senti rougir. Un pareil présent ! Il déboucla sa ceinture d’armes et la tendit, lourde de son épée, à Paindorge, puis il ceignit celle de Pedro del Valle dont il avait admiré la cordouannerie. Alors, seulement, il tira la lame du fourreau.
    –  Vous savez l’art, Pedro, d’éblouir vos amis !
    C’était une arme simple. Son pommeau en façon de petit ciboire contenait peut-être une relique. La prise, à une main et demie (393) , couverte de cuir vermeil, était serrée par un entrecroisement de fils d’archal. Ses longs quillons plats, sobres mais luisants comme s’ils avaient été argentés, légèrement infléchis vers la pointe, se terminaient en « fer de hache ». Allégée par une gouttière sur les deux tiers de sa longueur, la lame portait gravés près de sa garde d’un côté un lion et de l’autre le monogramme de l’armurier.
    –  Qu’en dites-vous, messire ?
    –  Elle est… magnifique ! affirma Tristan.
    L’acuité de son émoi le faisait frissonner. Quelque chose d’impétueux, soudain, se mêlait à son sang, et son cœur sous ce flux menaçait d’éclater.
    –  Ah ! Comme je suis heureux, messire ! L’excès de joie rend aussi fiévreux que l’excès d’angoisse. Cette fièvre est celle de la certitude de ne pas être atteint, jamais, par un quelconque acier !… Je le sens : cette épée sera magique. C’est la nouvelle Excalibur !… Quel dommage que nous devions nous séparer. J’aurais aimé partager avec votre épouse, votre fille, vos gens et mes hommes ce moment de félicité que vous me dispensez-là !
    L’index de l’armurier toucha le pommeau de bronze doré dont la forme avait étonné Tristan. Sa voix changea pour une confidence :
    –  Vous en tournez le haut et la tapadera… le couvercle pivote et reste dans votre main. Dedans, une poudre grise… invisible dans un liquide. C’est un poison pervers. Si vous devez un jour vous venger mortellement de quelqu’un, une pincée, dans un hanap, suffira… Vous êtes trop honnête pour ne pas avoir d’ennemis.
    –  Holà ! Mon ami, vous avez tout compris.
    –  L’Espagne est faite de sang, de volupté, de milliers de rancunes mortelles contre lesquelles il faut se prémunir. Nul ne soupçonnera que cette arme peut-être triplement homicide : l’estoc, la taille et le pommeau. Il est aisé, si les événements s’y prêtent,

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