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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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nous y emploierons, messire, grogna Lebaudy, sans conviction.
    –  Paindorge et Yvain, mettez-moi en selle. J’ai mal, mes gars ! J’ai mal !
    Ils chevauchèrent lentement. Les feux du soleil, par l’entremise de la sueur, avivaient ceux de leurs blessures.
    Guadamur apparut. Le village meurtri n’était pas vide comme lors de leur premier passage. Une douzaine d’hommes et de femmes apparemment hostiles observaient attentivement leur approche. Un homme leva le poing, un autre une fourche et une commère une faucille à long manche.
    –  Crie-leur, Serrano, que nous sommes honnêtes.
    C’en était trop pour Tristan. Un frisson glacé le transperça. Il chut à nouveau sur le sol, mais cette fois sans un cri ni souffrance.
    *
    Un visage se penchait au-dessus de sa tête. Émergeant du tréfonds de la nuit, Tristan cilla des paupières. Un nom déchira sa bouche :
    –  Teresa.
    Elle avait des yeux noirs, longs et larges, extrêmement brillants.
    –  Teresa !
    Lors de cette première lueur de lucidité, une bienheureuse pensée domina son angoisse : ils avaient épargné Teresa. C’était sa main qu’il avait sentie sur son front. Il allait pouvoir poursuivre une œuvre pie dont le Rédempteur tiendrait compte un jour. Tandis, que lentement le visage féminin s’éloignait – il ne sentait plus son souffle sur ses lèvres -, ses yeux s’ouvrirent plus grands jusqu’à ce qu’il se rendît compte de sa méprise ; jusqu’à ce qu’il s’aperçût qu’il gisait sur un lit de paille.
    –  Qui êtes-vous ?
    –  Elle se nomme Carmen, dit la voix de Serrano, invisible. Cette jeune fille vit sur un cerro 39 proche de Guadamur. Elle a vu tout ce qui s’est passé. Quand ceux qui nous ont assailli sont repartis pour Tolède, elle est descendue avec ses parents… La sœur de sa mère habitait Guadamur… J’ai vu les corps jetés sur le bûcher… Quand ils sont apparus, la première fois… Mais à quoi bon en parler… Toujours est-il que si je n’avais pas été avec vous pour attester de votre honnêteté, vous seriez mort et vos compères aussi.
    Tristan revécut tout ce qui lui était advenu depuis son passage à Guadamur jusqu’au moment où il avait vidé les étriers une dernière fois. Une douleur tout aussi virulente que celle de son dos perça son cœur :
    –  Teresa ! Simon !… Savez-vous ce qu’ils leur ont fait ?
    –  J’ai ouï, dit Paindorge, un homme qui hurlait : « À Tolède ! » C’était, il me semble, Orriz… Je crains qu’ils ne soient pas allés jusque-là. Pour ces suppôts du diable, ce n’est point pécher que de violer une Juive… et un Juif.
    –  Où sommes-nous ?
    Cette fois, Serrano répondit :
    –  Dans la casa des parents de Carmen. On ne voit pas cette maison quand on vient de Toledo.
    Tristan voulut se lever. Il ne le put. La main de Serrano le repoussa dans sa litière.
    –  Vous avez pris un coup sur l’épaule senestre.
    –  Je ne me souviens de rien.
    –  Un autre dans le dos, juste au-dessus des reins. Votre nouvelle épée a tranché par moitié un homme du haut de sa barbute jusqu’au menton.
    –  Je ne m’en souviens plus… Où est cette arme ?
    –  Ne craignez rien, messire, dit Paindorge. Elle est là, sur le sol.
    –  Flourens ?
    –  Petiton l’a percé d’une sagette… avant d’être trespercé par ce Breton qui s’appelle Le Karfec… Vous savez, ce petit friquet 40 barbu et hautain qui suit Guesclin comme son ombre et serait prêt à lui torcher le cul s’il en manifestait l’envie…
    –  Ce cloporte !… Je vengerai Petiton… Ah ! Mes compères… Je me souviens du visage effrayé, effrayant de Teresa et des supplications de son frère. C’étaient les mêmes hurlades qu’à Briviesca… Vous, Serrano, que vous est-il advenu ?
    Une ombre s’approcha :
    –  No me recuerdo… Je ne me souviens plus… Je me suis défendu avec ma guiterne… J’ai senti un coup sur ma main. J’ai ouï Simon qui criait : «  Indulto ! »… ou si vous préférez : «  Grâce ! » Ces porcs devaient savoir…
    –  Denuncia ? demanda Carmen dont Tristan ressentit le souffle sur son front.
    –  No, répondit le trouvère. Je ne le crois pas.
    –  Naudon de Bagerant, suggéra Paindorge.
    –  Non, dit Tristan. Mais peut-être Espiote ou le bourc Camus… Et comme Guesclin ne transige pas sur les Juifs, sauf lorsqu’il est en présence du Trastamare, Couzic et Orriz ont été

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