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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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heureux de lui présenter nos… nos amis.
    –  S’ils ne les tuent pas avant, qu’en ferait-il, Guesclin, de ces enfants ?
    –  Je l’ignore, Yvain, autant que toi. Je suis peiné par la mort de ton frère. Je suis peiné de toutes ces morts : elles n’empêcheront point Teresa et Simon d’avoir un sort funeste. J’ai péché par orgueil.
    –  Non, par nécessité.
    Après tout, Paindorge avait raison.
    Tristan discerna mieux, cette fois, le visage penché sur lui. De longs cheveux noirs dont les tresses s’adornaient d’un passement rouge ; des joues d’ambre d’un bel ovale, une bouche large, purpurine, qui parfois révélait une double ligne de perles.
    –  Aucun homme ne viendra vous voir, messire, dit Serrano. Ils haïssent les puercos de Francés… et je les comprends. Mais ils ne vous feront aucun mal.
    –  Si le troubadour n’avait pas plaidé notre cause, dit Paindorge, nous serions tous mats… Quand les Bretons sont arrivés dans le village, ils ont demandé s’il y avait des Juifs et des Mahoms. Ils savaient qu’il y en avait ainsi que partout en Espagne… Comme les gens refusaient de dénoncer des païens dont aucun n’avait à se plaindre, ces malandrins ont usé des pires moyens pour leur faire rendre gorge. Les pieds des hommes ont été coupés à la hache, brûlés au fer rouge. Des tisonniers ont enconné les femmes et les jouvencelles. Puis ils ont fait un bûcher devant l’église et l’ont arrosé d’eau-de-vie. Ils y ont fait asseoir l’alcade et ses enfants, liés tous trois bien serrés sur un siège tiré du saint lieu. Ils y ont mis le feu… Carmen a tout vu, cachée derrière une roncière.
    –  On perd son cœur devant tant d’horreurs, dit Lebaudy, couché non loin de là, et qui avait tout entendu sans mot dire. On ne peut imputer, cette fois, toutes les abominations commises par les nôtres au tempérament espagnol, à son goût du sang qui s’exaspère, dit-on, lors des courses de taureaux… que nous n’avons jamais vues. Nos routiers sont des démons. Jamais nous n’aurions dû venir en ce pays. Le roi Charles est un sot féroce et sanglant si vous me voulez croire. Nous n’avons rien à gagner d’autre que la mort dans cette immensité.
    –  C’est vrai : les Castillans ne nous ont rien fait, dit Paindorge. Contrairement à ce que le roi de France pense, les routiers reviendront chez-nous quand ils auront épuisé tous les plaisirs de cette guerre… Dommage que les Espagnols soient divisés. Réunis, ils nous vaincraient.
    Tristan soupira :
    –  Il faudrait une grande bataille pour purger ce pays de notre présence. Hélas ! Nous y serions mêlés, mais qu’importe !… Oui, une grande bataille : un Crécy, un Poitiers, un Brignais espagnol !
    Il y eut un silence. Carmen présenta à Tristan une jatte d’eau froide. Elle venait de la tirer du puits. C’était tout ce dont elle disposait, dit-elle, pour le moment, car elle n’osait aller traire une de ses chèvres dans le champ voisin : il se pouvait que certains cabrones de Francés fussent encore tout proches.
    Tristan s’assit pour boire.
    –  Gracias, Carmen.
    Aucun muscle du joli visage ne remua, et il trouva divin ce profil de fille des champs tant dans son impassibilité que dans sa tristesse informulée.
    –  La guerra, nada !
    –  Elle espère, dit Serrano, que vous obtiendrez vengeance.
    –  Tu peux la rassurer. J’occirai Couzic, Orriz, Le Karfec et l’autre… Passe-moi mon épée, Robert.
    Paindorge obéit promptement. Quand elle fut dans ses mains, Tristan, frémissant, en baisa la croisette et parlant à cette arme comme à une dame chère à son cœur :
    –  Je te donne pour nom Teresa. Tu m’aideras à imposer la justice. Je veux que ton acier resplendisse des sangs de ceux que je hais. Pour ceux-là, j’emploierai ton corps. Pour l’autre, j’emploierai ta tête.
    –  Quelle tête ? s’étonna Paindorge. Que voulez-vous dire ?
    –  Tu le sauras, Robert, si tu vis aussi longtemps que moi et si tu restes à mon service.

III
     
     
     
    Le lendemain, Tristan se sentit mieux. Les fomentations d’herbes que Carmen avait posées sur ses plaies les avaient assainies. Aucune inflammation, aucune infection n’était à craindre. Cependant, Paindorge dissuada le convalescent de se lever. Mieux valait qu’il eût recouvré complètement ses forces avant de se rendre à Tolède où peut-être Teresa et Simon avaient été enchartrés

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