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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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85 sans en avoir reçu commandement, ce qui signifiait, à l’évidence, que les Francés seraient autorisés à entrer.
    –  Traiter de quoi, messire ? Mais, insista Tristan, débattre les conditions d’un traité dont le roi Pèdre et son frère…
    –  Un bâtard !
    – … pourraient arrêter les clauses.
    –  À l’avantage de messire Guesclin plus encore que du roi Enrique !… Est-ce vrai ce qu’on dit, messires les Francés  ? Ce Breton va-t-il obtenir bientôt, pour tous les meurtres qu’il a commis, la charge de connétable de Castille ?
    Tristan eut un geste évasif, mais Couzic se rengorgea autant que le lui permettaient ses défenses de fer :
    –  C’est vrai. Y voyez-vous, messire, une objection ?
    L’Espagnol hocha la tête :
    –  Je ne suis point assez grand homme pour émettre mon assentiment ou mon désaveu sur quoi que ce soit. Je sers mon roi de mon mieux, j’aime mon pays et une chose me paraît certaine : vous n’avez rien à y faire. Vous êtes venus pour purger le vôtre d’une male gent qui l’infestait et installer un usurpateur sur le trône.
    –  Le roi Pèdre, dit Tristan, ne passe pas chez-nous pour un exemple de bonté. Je sais que si nous lui déplaisons, il peut nous faire occire. Mais j’ai une mission à accomplir et je l’accomplirai si vous le permettez.
    L’Espagnol s’inclina, vaincu et fier, la senestre à plat sur le pommeau de son épée.
    –  Suivez-moi à l’Alcâzar, senores, et… à la grâce de Dieu.
    *
    C’était lui, Pèdre. C’était lui dont on disait qu’il était un des plus abominables despotes qu’eût engendré le terroir castillan : avare, glouton, aimant les belles créatures et l’or ; violent jusqu’à la folie, bestial et détesté mais qui, par son énergie et sa conception de l’Espagne, par sa passion des armes et des guerres, par le sentiment mystique de ses responsabilités, s’était imposé comme un roi tolérant et vindicatif, bienveillant et exécrable. Aussi vigoureux que son père l’avait été, moralement pareil à ce géniteur gagneur de batailles, culebuteur de femmes, il n’avait jamais rien rencontré d’autre, chez ce padre , qu’une grossière indifférence quand ce n’était de l’aversion. Comme ce ressentiment sans cause s’était parfois manifesté par des coups alors que les bâtards : Enrique, Fadrique et Tello en étaient dispensés, Pèdre-le-Légitime avait supporté l’opprobre des fïenterons (422) . Il avait dû accueillir avec plaisir, sinon avec joie, la nouvelle qu’Alfonso XI avait été occis à Jabal-Tarik 86 . Il avait régné en répandant le sang. Celui de ses ennemis, celui des  couards et des comploteurs. Il savait manier comme   une épée à deux tranchants la franchise et l’hypocrisie. Il avait conçu un mépris des gens irrésistible que justifiaient, dans une certaine mesure, la bassesse des hommes de Cour rampant sous son joug et les excès d’immoralité des ricos hombres. Libéré de tous ses liens, froidement méchant, généreux et ingrat, dévot et athée, il s’était fait des amis de toute sorte chez les ennemis de sa race. Il semblait, lui qui aimait tant l’or et les joyaux, avoir une prédilection pour les vêtements austères. Il était vêtu de haut en bas de velours noir, comme un seigneur des ténèbres.
    –  Ainsi, dit-il, Guesclin voudrait que je me rende à lui afin de briller d’un éclat particulier quand il me remettra dans les mains du bâtard… Je vous prends à témoin, messire le prud’homme : iriez-vous vous jeter dans la gueule du loup… et si vous préférez, sous le bec de cette aigle dont le pourpre est, par ma foi, le meilleur choix que l’on puisse faire en matière d’armes !… Vous me reprochez moult crimes. Ceux de cet homme-là vous merveillent-ils ?
    –  La reine Blanche… commença Couzic.
    Qu’avait-il, cet idiot, à parler de la reine ? Pèdre fit le sourd. Quelque aversion qu’il lui inspirât, précisément pour ce meurtre, Tristan ne put qu’admirer sa quiétude, – tout en la redoutant. « Défions-nous du feu qui dort », se dit-il en jetant un regard sur les quelques courtisans assemblés dans ce tinel aux fenêtres carrées, ensoleillées, sur les appuis desquelles des colombes chauffaient leurs plumes.
    –  Messires, le bâtard que vous révérez et servez grossement et grossièrement m’a déclaré la guerre. Je l’ai tenu quelquefois à ma merci. J’aurais dû

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