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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dans l’ombre des églises et des couvents : Santa Ana, Omnia Sanctorum, San Esteban, Santa Catalina – en construction. Nul ne logeait à Santa Cruz, le quartier juif, et les maussades à la recherche d’une impossible quiétude en ce pays bruyant, s’en étaient allés, après deux nuits de veille, chercher le repos à San Isidoro ou Santiponce, Castilleja de la Cuesta ou San Juan de Aznalfarache, à une lieue, une lieue et demie de Séville.
    Tristan n’était guère enclin à sortir. Au-delà de l’ écurie s’étendait un jardin dont le propriétaire, Paco Ximenez, un vieillard solitaire, lui avait accordé l’accès. Il y dormait dans l’herbe en plein après-midi, et si la nuit était trop chaude, trop moite, il y revenait s’allonger. Serrano et Paindorge allaient en ville se pourvoir en nourriture : le roi Henri avait entrouvert les coffres que l’amiral Boccanegra, ancien marmouset 103 de Pèdre, avait pu conquérir lors d’une opération dont on disait qu’elle n’était point à son honneur : quittant Séville avec quelques galiotes, il s’était lancé à la poursuite de Martin Yanez qui, sur un vaisseau, emportait le trésor de Pèdre. À Tavira, dans une courbe du Guadalquivir, il avait abordé la galère de son ancien ami, qu’il avait capturé sans peine. Henri lui avait donné, pour récompense, la seigneurie d’Otiel 104 .
    Convié par Audrehem à voir le châtiment de Rebolledo, Tristan promit d’y assister mais fit en sorte de s’y soustraire. Comme lui, ses compagnons préférèrent demeurer chez Paco Ximenez à soigner les chevaux et vider, ensuite, quelques gobelets de vin de Jerez. Ils surent que, suivi de Bourbon et Beaujeu à cheval, le présumé régicide avait été traîné, lié sur une claie, dans les rues et les ruelles. Tandis qu’on le suppliciait, il n’avait cessé de hurler son innocence. Son corps allait être pendu, pour y pourrir, aux Canos de Carmona (424) .
    Ils apprirent, le lendemain, que le roi de Grenade avait envoyé des émissaires au roi Henri pour lui signifier son désir de vivre en paix. Cette paix, les routiers des Compagnies l’employèrent à piller les abords de Séville et la campagne. De toutes parts, des plaintes et des protestations s’élevèrent à l’encontre de ces hommes inguérissablement féroces. Le peuple s’armait. Craignant pour sa vie, Henri décida d’ouvrir en grand les coffres de Pèdre. Les routiers furent licenciés. Grande fut leur joie de pouvoir revenir en France.
    Le roi voulut conserver Calveley et Guesclin à son service. Le Breton déclara qu’il resterait pourvu que ses satellites restassent. Quant à Calveley, Tristan apprit par Shirton, rencontré en ville, que le géant d’Angleterre songeait à regagner l’Aquitaine une fois que les routiers de France auraient quitté l’Espagne : il laissait aux grands capitaines et à leurs hommes liges le soin de les conduire.
    –  Pourquoi ne nous joignons-nous point à eux messire ? interrogea Paindorge, un matin, lorsque Bourbon et Beaujeu furent passés devant la maison de Paco Ximenez.
    –  Parce que, Robert, dit Tristan, pendant les lieues innombrables qui vont les ramener en France, les Compagnies vont se laisser aller à leur cruauté coutumière sans que nos prud’hommes aient suffisamment d’autorité sur elles pour les dissuader de répandre le mal. Nous nous sommes fait tant d’enne mis sur ces terres qu’il me paraît préférable d’attendre que la rancune des Espagnols s’apaise… Si j’avais à revenir maintenant, j’aurais le choix entre deux chemins. Passer par le Portugal et le traverser, puis costier la mer…
    –  Le chemin de Compostelle.
    –  Oui, Lebaudy… Ou bien costier la mer du Levant : descendre à Cadiz et trouver une nef qui nous ferait faire le tour, par des havres que je ne connais pas, pour atteindre Valence, Barcelone, Perpignan… Croyez-moi : mieux vaut demeurer, même si nous avons des fourmis dans la tête et les jambes, voire ailleurs (425) . Attendons.
    Que faire ? Deux fois par jour, Tristan partait pour l’Alcâzar afin d’obtenir des informations sur la vie menée par les prud’hommes en ville et aux champs et savoir si l’on avait besoin de lui. Il s’en allait déçu : Séville engourdissait l’ardeur des gentilshommes et des ricos hombres. Guesclin et sa dame vivaient une vie de monarques richissimes et le roi véritable – encore qu’il ne le fût pas selon certains tel Paco

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