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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vous ? » Calveley était-il marié ? Fiancé ? Ce géant devait effrayer certaines femmes et en exciter d’autres.
    –  Oui, messire, la guerre n’est pas achevée… J’en ai assez. Il me tarde de rentrer. Mon épouse m’attend.
    –  Ah ! Vous êtes marié. Pas moi (427) .
    –  Je pressens les dangers du retour.
    –  Il est vrai. Les chemins doivent être infestés d’hommes décidés à nous occire. Si vous me permettez  de vous donner un conseil, cheminez vers la mer du côté du Levant et, à Peniscola, embarquez dans une nef en partance pour Narbonne.
    –  J’y ai pensé.
    La servante apporta deux gobelets et un cruchon de manzanilla. L’Anglais l’en remercia, se servit, lampa et s’essuya les lèvres de son pouce avant de désigner à Shirton le récipient qui lui était dévolu. L’archer versa le précieux rubis comme un prêtre à l’eucharistie puis, la transsubstantiation accomplie :
    –  Savez-vous, Castelreng, que le roi d’Aragon a donné à Guesclin deux grands vaisseaux et une galée, apprêtés et payés pour six mois aux dépens de sa trésorerie pour aller outre-mer commencer une croisade contre les Mahomets ?
    –  Non, fit Tristan, ébaubi.
    –  Ces naves doivent être prêtes pour le commencement de l’année prochaine, précisa Calveley.
    –  Ah ? fit Tristan dont l’ébahissement redoublait. Il ne va tout de même pas nous entraîner au-delà de la mer pour combattre les Mahomets alors que le sort de Pèdre n’est pas achevé !… Le roi ne s’avoue pas vaincu et les Maures qui sont demeurés sur leurs terres ne nous ont rien fait, que je sache… ni d’ailleurs, je dois l’avouer, ce roi qu’on dit cruel. Cela doit être encore une idée de Guesclin 110  !
    –  Tout juste !
    –  C’est un fou d’orgueil et de cruauté, dit Shirton.
    –  Fleur de Chevalerie, le voilà Fleur de Nave (428) dit Tristan tourné vers Calveley.
    –  Il paraît qu’on doit m’offrir quelques nefs pour aller en Sardaigne soutenir la petite armée du roi d’Aragon. Eh bien, mon compère, il faudra me payer très cher si l’on veut mon épée, ma lance et mon concours !
    Calveley but encore et Tristan l’imita. Les danseuses tournaient toujours. Leurs pas vifs et légers ajoutaient leur tambourinement aux sonorités des guiternes tandis que leurs corps prompts et sinueux déroulaient à l’envi, dans leurs flexions et pirouettes, les ressources infinies des poses ensorcelantes.
    –  Chez-nous, dit Calveley, on les ferait brûler comme sorcières. À Séville, ce sont elles qui nous enflamment… tout au moins notre imagination.
    Tristan resta coi, subjugué par la joliesse de mouvements empreints d’une ascendante volupté : ventre oscillant, fesses rebondies, bras attirants. Il était loin de la cordace des filles de Brignais et pourtant quelque chose s’en inspirait. Une sorte de pudicité dans une lasciveté effrénée. Il ne put s’empêcher de frémir dans le vito qui peut-être achevait la danse et que l’assistance soulignait en scandant :
    Con el vito, vito, vito Con el vito, vito va !
    –  La petite qui vous jette des regards si hardis se nomme Francisca. Ne croyez surtout pas qu’elle soit accommodante.
    –  Ah !
    –  Je n’ai point essayé de m’en accommoder. Ses amies, Juana et Beatriz, m’ont prévenu en son absence.
    La façon dont Francisca vivait sa danse – avec des tournoiements sur elle-même, des sauts de côté, des cabrades brusques et vives, des gambades et mouvements de tête éloquents et pervers -, cette façon ne pouvait que saisir Tristan au plus profond de son être et, sans les sublimer, éveiller des désirs qu’il ne réprouvait plus.
    –  J’aime, dit Calveley, ces tresches 111 frénétiques. Et les trépignements des talons me font songer…
    Tristan n’écoutait plus : il regardait Francisca. Il l’admirait. Elle semblait une flamme – robe rouge, dessous safranés – sur laquelle eût soufflé un vent capricieux. Ses pieds fins et nerveux dessinaient des figures vertigineuses ; ses jambes s’y montraient audacieusement et dans le tournoiement superbe de son corps, ses mains aux doigts mouvants révélaient l’ancestral désir, la promesse des ardeurs disponibles et l’excitement d’une possession qu’un seul geste, parfois, récusait. Calveley avait fait allusion aux sorcières. Il y avait de l’ensorcellement dans ces appels des pieds, ces œillades, ces signes des index que

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