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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hardiesse… je veux dire de provocation dans les mouvements des corps. Vraiment, quand on assiste à ces seviltanas , on ne pense plus que la guerre saigne ce beau pays !… Il vous faut voir cela. Il vous faut ouïr ces chants et les crépitements des castanetas… Et puis, la nourriture est délicieuse après ce que nous avons mangé depuis des mois !… Les œufs, le poisson frit, le gazpacho , les tripes à l’Andalouse, la queue de taureau au piment enragé… oui, c’est ainsi qu’on l’appelle…
    –  Je sais, messire. J’ai goûté pour ma part avec mes compagnons aux olives noires, aux chevrettes 107 du Guadalquivir et à ce qu’on nomme des pavias ou tranches de morue panées. J’ajoute que le vin est bon.
    –  Bon ? Le manzanilla c’est quelque chose de divin ! On en consommerait à grand’foison, comme on consommerait aussi l’amour des Sévillanes !… Rien n’est plus émouvant pour moi que ces doncellas entre treize et dix-huit ans dont les yeux, le sourire sont prometteurs de délices…
    Tristan acquiesça. C’était vrai que ces donzelles sveltes et provocantes attiraient les regards des prud’hommes du Nord et de leurs soudoyers. La continence qui lui était imposée lui pesait si fortement qu’elle le contraignait à des rêveries qu’il n’eût osé confier à personne.
    –  Sortez une de ces nuits, conseilla Gournay. Si un air de guiterne criblé de la crécelle des castanetas vous attire, entrez. Vous n’en éprouverez nul regret. Par saint George, on a bien mérité de jouir un tantinet après les horreurs que nous avons vues et qui ne sont point achevées ! C’est la rançon de notre victoire !
    « Victoire ? » se demanda Tristan cependant que l’Anglais s’éloignait d’un pas si ample et si vif qu’il paraissait pressé de rejoindre une belle.
    Le soir même il sortit après avoir refusé la compagnie de Paindorge. Il entra dans une posada de la cal le  de las Sierpes et fut incontinent suffoqué par le vacarme, l’odeur, la quantité de gens qui se réunissaient là. On lui offrit un siège dans une sorte de loge qui dominait un échafaud 108 d’où il put observer d’emblée trois danseuses aux longs cheveux bruns tout aussi onduleux que leurs corps gainés de taphetas vermeil. Subjuguées par les frémissements de deux guiternes dont les joueurs restaient dans l’ombre, elles tournaient, tournaient dans l’épanouissement de leurs robes aux vastes pans quelquefois retroussés jusqu’aux jarrets. Matthieu de Gournay eût sans doute exalté leur beauté, leur agilité, leur grâce assurément provocante. Leurs visages, leurs bras, leurs dents étaient d’un blanc d’albâtre, et leurs yeux des perles de ténèbres insondables.
    « Manquait plus que cela ! » songea Tristan.
    L’une d’elles, tout en tapotant les planches de son talon, avait remarqué sa venue. Elle lui souriait avec une insistance dont, plutôt que d’être content, il se sentit gêné. Quelques hommes, maintenant, le dévisageaient : les uns comme un intrus, les autres comme un bienheureux.
    Une servante en robe noire dont le fasset 109 largement ouvert laissait paraître, sous l’entrecroisement des aiguillettes, des seins ronds, safranés comme des calebasses, lui offrit un gobelet long, étroit, dans lequel elle versa une rasade de manzanilla dont elle abandonna la gargoulette sur la table où il s’était accoudé. Soudain, alors qu’il s’apprêtait à boire, la plus petite des danseuses, après une œillade vivace, enleva prestement son volet de dentelle, le mit en boule, cria et le lui jeta. Il ne l’atteignit pas, mais quelqu’un d’en-dessous une femme sans doute, le lui lança, et dès qu’il eut en main cette sombre parure, son odeur embauma ses doigts et ses narines.
    –  Eh bien, dit Calveley en prenant place auprès de lui, on peut dire, Castelreng, que si Guesclin se fait fort de conquérir l’Espagne, les belles filles de ce pays sont disposées à vous prendre pour suzerain !
    Tristan ne trouva rien à répondre. Se tournant un peu, il entrevit Shirton pour une fois sans arc, mais l’épée au côté.
    –  Croyez-le ou non, messire, j’ai grand-hâte de quitter ce pays. La plus belle fille de Séville, Tolède. Cordoue ne pourrait m’y retenir.
    –  La guerre n’est point achevée. Vous aurez moult occasions de sortir votre arme.
    Tristan devina de quelle arme il s’agissait. Il sourit. L’envie le prit de demander : « Et

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