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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pour un varlet ! » Il vit la moitié de l’armée courir aux murailles et pousser à coup d’épaule les grands ais de la porte désignée par Turquant. Les vantaux béèrent sur une rue vide.
    –  Eh bien ! fit Calveley en faisant reculer ses hommes, c’est le meilleur accueil que nous puissions obtenir.
    Lui aussi semblait repu de batailles, de sang, de larmes. Chrétiens et Maures s’étaient repliés sur la Juiverie pour lui faire payer sa trahison : on entendait des cris, des cliquetis d’épées du côté de la porte par laquelle Guesclin avait décidé de sortir. Puis ce fut le silence : le Breton sans doute, l’épée au poing, muet et formidable, avait subjugué la foule.
    Audrehem apparut, exsangue et radieux. Fidèle à son habitude, il était demeuré en arrière.
    –  Gagné ! triompha-t-il. Tous proposent au roi les clés de cette ville.
    À la tombée du jour Henri fit son entrée. De part et d’autre des rues qu’il empruntait devant ses capitaines et les mercenaires de France, les Espagnols hurlaient : « Viva Enrique, muere Pèdre ! » Tristan qui chevauchait à la fin du cortège, entre Paindorge et Serrano, se demanda ce qu’on allait faire à Daniel et Turquant accusés d’avoir occis la reine Blanche comme cet arbalétrier, Rebolledo, qu’on avait enchaîné au tronc d’un arbre et sur lequel Bourbon et le sire de Beaujeu, lorsqu’ils passaient, crachaient avec un plaisir qui réjouissait Guesclin. Trois meurtriers, c’était beaucoup.
    « Sont-ils coupables ? » se demandait Tristan. Il pressentait des châtiments terribles. Coupables ou non, aucun procès ne leur serait intenté. L’équité, la justice n’étaient point en usage dans les Compagnies. Bourbon et Beaujeu voulaient qu’on sup pliciât Rebolledo ? Il le serait. Turquant et Daniel 102 avaient empêché une effusion de sang. Ils allaient vivre sous surveillance, mais il était probable que Guesclin, privé de la moindre dévastation dans la juiverie sévillane, leur chercherait querelle et les ferait occire s’il n’osait procéder lui-même à leur exécution.
    –  Croyez-vous, messire, s’enquit Paindorge, que nous resterons longtemps dans cette cité ?
    Tristan se contenta d’un geste évasif. Sans qu’il sût pourquoi, Séville lui déplaisait. Sa vieille mélancolie s’y faisait plus forte, plus oppressive. Il craignait de  s’y complaire. Bien que les circonstances le contraignissent à la tristesse et à la résignation, il ne devait se montrer ni distant ni froid envers autrui ; or, cette disposition d’un esprit mal heureux resterait sans doute une intention stérile, rien qu’une velléité comme tant d’autres. Il s’interdisait pourtant de vivre « à part », presque sans parler à des compagnons qui risquaient leur vie avec la sienne, non seulement parmi des Espagnols hostiles, mais aussi parmi les hommes de leur armée – pour autant qu’elle en fût une.
    –  Je ne me suis jamais senti si loin de la France.
    –  Si loin de Gratot ?
    –  Sans doute. Mais que sais-je vraiment de moi-même, sinon que j’ai de la peine.
    Pour se guérir de celle-ci, Tristan se détermina au silence. Le tour qu’avait pris sa vie lui assurait que rien n’était acquis. Il pouvait, comme Ogier d’Argouges, trépasser dans quelque contrée sèche et rocailleuse de cette Espagne du sud où il n’était que de passage vers une destinée désespérément opaque. « Je suis contre mon gré en état de perdition. » Peut-être, en ce pays perdu, allait-il payer de sa vie des crimes dans lesquels, jusqu’à ce jour de la fin mai, il avait refusé de s’impliquer.
    Il se sentait sur le seuil d’un événement d’importance mais ne soupçonnait rien de ce dont il s’agissait.

VI
     
     
     
    Il fallait se loger. Serrano découvrit une maison  d’aspect austère, pourvue d’une écurie spacieuse, sise  à égale distance d’une mahomerie dont le minaret  colossal en brique, couronné de quatre sphères d’or (423) formait une sorte d’écho à l’Alcâzar, à l’est, et à la Tour d’Or, à l’ouest.
    –  Nous serons hébergés, dit-il, aux moindres frais.
    Avant même que l’armée eût achevé de planter ses pavillons hors de la cité, la plupart des seigneurs, ricos hombres et capitaines avaient été pourvus de gîtes en-deçà. Quelques-uns, dont Guesclin, s’étaient attribué maintes pièces du magnifique Alcâzar. D’autres avaient choisi de vivre

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