Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
peuple étrange, dit Calveley en se dirigeant vers l’escalier par lequel on accédait à la rue. Il aime la tragédie. Il me paraît immodéré en tout. Depuis que nous sommes en Andalousie, je me sens… euh… différent. Mon sang n’est plus le même, et mes sens, par ma foi, ne le sont plus aussi. Ces Espagnols sont fous !… Des courses de taureaux ! C’est excitant car on y attend la mort d’homme. C’est répugnant car la bête ne peut que mourir.
    –  Vous faites, m’a-t-on dit, assaillir par des chiens féroces, des fauves et même des chevaux.
    –  Je n’assiste jamais à ces déduits 113 . Le seul que j’aime, c’est la guerre.
    Tristan ne sut que répondre. D’ailleurs, parler lui coûtait. Il tenait dans sa dextre le volet ajouré que Francisca lui avait lancé. Absorbé par sa songerie, il n’était plus, à vrai dire, auprès de Calveley, mais proche de la jouvencelle. Il n’osait porter ce couvre-chef 114 à son nez. Pourtant il tenait à connaître son odeur qu’il devinait capiteuse. Il revoyait aussi la moitié d’une jambe offerte à l’extrême, dans le bouillonnement d’une jupe fendue, elle aussi, à l’extrême. Une jambe de rêve, en vérité : pure et am brée – troublante. Ah ! Que l’Anglais partît afin qu’il pût plonger son nez, sa bouche dans ces guipures neigeuses ! Elles semblaient sous sa paume et ses doigts pelucheuses, comme…
    Sur le point de franchir le seuil, il s’aperçut que la danse venait de s’achever. « C’est peut-être à cause de notre départ », songea-t-il, frémissant et renfrogné. L’air vibrait encore des frissons des robes et des guiternes. La rumeur de l’assistance redevenait excessive.  Les danseuses avaient disparu. D’autres, rieuses, prenaient possession de l’échafaud.
    –  Pour vous, Castelreng, dit Calveley.
    Un grand peigne planté dans ses cheveux rassemblés sur sa nuque, une fillette venait de surgir devant eux insolemment belle, déjà, et hardie, triomphante. Elle tendait une fleur, une seule : un œillet rose panaché dont le rouge semblait une fraîche blessure. L’odeur grisa Tristan autant que la couleur.
    –  Ah ! fit Calveley. Le langage des fleurs m’est inconnu. Le connais-tu, toi ?
    L’Anglais s’était tourné vers Shirton. L’archer sourit :
    –  Messire, dit-il avec admiration, cette fleur vous révèle qu’on vous aime.
    –  Un momentino, dit Tristan à la fillette. Gracias. Muchas gracias !
    Il ouvrit son escarcelle.
    –  No hay razones ! protesta l’enfant. No hay razones (430) !
    Il voulut lui restituer le volet de Francisca.
    –  No hay razones ! répéta-t-elle.
    Mais preste, elle referma ses petits doigts sur les maravédis et disparut en sautillant parmi les hommes et les femmes attablés ou non tandis que les guiternes accordées accompagnaient une nouvelle danse.
    Calveley et Shirton s’en allèrent du côté de la Giralda. Tristan, humant parfois le volet de Francisca – odeur de femme, odeur de chair, odeur d’amour -revint lentement chez Paco Ximenez. Non, il n’appuierait pas ses lèvres sur ce carré de couvre-chef. Non, il ne nourrirait aucune pensée absurde… Absurde ? Où allait-il pêcher cette sottise-là ? Il ne pouvait se retenir de flairer cette étoffe. Elle avait frôlé des cheveux bruns, des joues, un cou de cygne. Elle conservait encore cette odeur complexe de peau satinée, de toison comme exaspérée par l’ardeur de la danse. Non, l’amour véritable ne pouvait point naître ainsi. Mais l’aventure amoureuse…
    Paindorge l’attendait. Les autres dormaient.
    –  Je m’inquiétais, dit l’écuyer.
    Tristan glissa le volet blanc sous son pourpoint. Il s’était refusé à le bouler sur son cœur.
    –  Je me demande, messire, ce qu’ils font à Gratot. Nous en sommes si loin…
    Un être s’interposa entre eux. Une femme que Paindorge admirait : Luciane. Cependant, quand il fut allongé sur sa couche, ce ne fut point le souvenir lointain de son épouse qui hanta les songes de Tristan, mais la présence d’une Sévillane dont en chemin, avec un regret ulcérant, il avait jeté la fleur à l’odeur charnelle après en avoir sucé les pétales.
    *
    Il dormit mal. Quand Paindorge l’eut rasé, l’envie le prit, brusque, impétueuse, d’aller piquer du nez dans le Guadalquivir. Il en fit part à l’écuyer dont l’opinion fut négative :
    –  Hier, messire, j’ai vu deux hommes emportés par les eaux. Morts.

Weitere Kostenlose Bücher