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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cloisons. Les baies étaient ouvertes. Le parfum singulier qui flottait partout dans Séville semblait se concentrer ici, à la fois irritant et suave avec, eût-on dit, une arrière-odeur de corruption.
    –  C’était ici l’ancien palais des Mahomets !
    –  Ah ! Bertrand, s’exclama Bourbon, vous avez le don pour choisir les lieux où nous nous sentons à l’aise.
    –  On dirait plutôt, fit Beaujeu en inspirant amplement, puis en expirant bruyamment un air sans doute aviné, on dirait que leur rancune d’en avoir été chassés se fait sentir !
    Oui, c’était un parfum indéfinissable. Autant que les pensées du Breton. Et tandis que Tristan imaginait une musique sarrasine, grinçante, nasillante, sous ces plafonds qu’un nuage, soudain, assombrissait, le Breton annonça :
    –  Messires, nous avons pendu le meurtrier de la reine Blanche. Mais ils étaient plusieurs : les Juifs Daniel et Turquant n’ont pas été justiciés !
    Tristan leva les yeux vers les voûtes obscures. « Encore ! » songea-t-il. « S’il ne commet un crime par jour, il lui manque quelque chose. Il est vrai que les lieux s’y prêtent ! » C’était à l’Alcâzar que Pèdre avait fait occire Don Fadrique, son demi-frère, le fils du roi Alfonso XI et de sa maîtresse, Leonor de Guzman (431) frère jumeau du Trastamare.
    Il considéra tous ces hommes assis dont les épées, quelle qu’en fût la longueur, semblaient vouloir imiter l’alignement des jambes. Bourbon et Beaujeu, regaillardis par l’expiation de Rebolledo, se souciaient d’autant moins du châtiment des deux Juifs qu’on les disait sur le départ à la tête des Compagnies.
    « Je vais aller les trouver… leur demander de me prendre avec eux. »
    Eustache d’Auberchicourt souriait aux anges – qui devaient être des incubes. Ce grand routier sanguinaire qui fleuretait avec la Couronne d’Angleterre, puisqu’il avait épousé une princesse du Sang (432) fermait les yeux comme au sortir d’une nuit blanche.
    Gourderon de Raymon, ou mieux : Guardia Raimon, seigneur d’Aubeterre, qui avait opéré en Bretagne avant de guerroyer pour son compte en Normandie, après Auray, grattait son nez relevé comme une poulaine. Alain de Mauny, fier d’être le cou sin du grand homme, se grattait, lui, sous l’aisselle où peut-être nichait une puce. Sylvestre Budes, Aufrey de Guébriant, Yvon Duant, Thibaut du Pont, Eustache de la Houssaye, Jean Kerlouet, Guillaume Boistel, Jacques de Penéodic, Maurice de Trésiguidy, Naudon de Bagerant s’interrogeaient sans doute sur la forme que prendrait le châtiment imaginé par Guesclin. Compères de Calveley absent, quelques Anglais avaient cru devoir se rendre à l’invitation du Breton. Il y avait là John Creswey, Robert Briquet, Robert Scott, Helmehade, dit Raoul Elme, Yons de Lakonnet, Renaud de Vigneulles et quelques autres. Ils se curaient le nez, se touchotaient du coude, bâillaient : cette affaire ne les concernait pas. Ils allaient repartir en masse pour l’Aquitaine. La plupart de ces hommes avaient pris un coup de soleil de sorte qu’ils semblaient s’être barbouillés du sang de leurs victimes. Plus loin, le Bègue de Villaines, le bourc Camus, Espiote croisaient les bras comme des   juges prêts à prononcer une sentence mûrie depuis longtemps dans leurs cerveaux obscurs. Audrehem et Jean de Neuville s’entretenaient à mi-voix.
    –  Messires, je vous ai rassemblés parce que, fi d’Henri, j’ai décidé d’en finir avec ces deux Juifs !
    Si, à sa naissance, on avait appelé la grande horde des routiers la « Compagnie sans tête » ( signe capite vocabatur) parce qu’elle n’avait aucun chef suprême, celle qui s’était répandue en Espagne pouvait s’enorgueillir d’être pourvue d’un « conduiseur ». Ce n’était point Henri, le nouveau suzerain, qui rendait la justice, mais son affidé suprême : Guesclin, lequel parlait de son compère couronné avec une familiarité qui peut-être eût offensé celui-ci s’il avait été témoin des conversations où le Breton lui faisait référence à défaut de révérence :
    –  Daniel et Turquant avaient été commis pour recevoir les rentes et les tributs que nous avons imposés aux Juifs pour préserver leur vie. Or, il semble que ces deux traîtres aient foulé nos mandements aux pieds !
    –  Ah ! fit le Bègue de Villaines dont un bafouillement n’eût fait qu’augmenter l’expression

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