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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de Beaujeu. Cette fuite égaya Guesclin.
    –  Dieu, messires, qui souffrit pour nous sur la Croix, nous a montré ce signe pour l’amour de la reine morte !… Monseigneur, il faudra faire sonner les campanes des églises et des moutiers.
    –  Je suis certain, dit frère Béranger, qu’après ce réel miracle, des Juifs et des Mahoms se convertiront 120 au Seigneur que nous adorons !
    –  Je suis certain, déclara le Breton, que la grande fosse que j’avais fait préparer sera bien trop profonde. Daniel et Turquant ne sont désormais pas plus gros que deux moutons cuits à la haste 121 .
    Tristan releva la singularité du propos. Les deux Juifs semblaient cuits à la haste, en effet. En hâte également, ils avaient trépassé. Éclair. Foudroiement, s’il pouvait employer cette formule. En fait, Guesclin devait être déçu. Il avait espéré du sang, des cris de douleur et de haine dans cette empoignade entre frères ennemis. Le Ciel auquel il se référait fréquemment sans vergogne, lui avait joué un tour.
    L’assistance se dispersait. Aucun homme n’osait s’approcher des corps calcinés mais des enfants tournaient autour, riant, sautillant, se montrant du doigt certains détails qui eussent épouvanté des adultes. La foule demeurait sur les murailles, persuadée qu’elle venait d’assister à un Jugement de Dieu inopiné, aussi effrayant qu’avéré, et qui subsisterait dans toutes les mémoires.
    –  Viens, Robert. Nous n’avons plus rien à voir en ce lieu.
    –  Certes, messire Tristan. Je n’en crois pas mes yeux et cependant, j’ai vu !
    Ils revinrent lentement vers la cité.
    L’orage grondait à la façon d’un fauve repu. Des lueurs de craie redoutables encore traversaient fugacement les nuées toujours noires, épaissies d’une pluie qui tardait à tomber. Le vent semblait vouloir les pousser vers l’est : vers les Maures de Grenade.
    Les deux compagnons franchirent un seuil que des commères et leurs hommes débarrassaient des chariots vides. Une sorte de joie hantait ces manants : ils étaient accourus pour voir un meurtre ; le Très-Haut les avait gratifiés d’un miracle. Cette vie qui coulait et remuait autour de lui dans un tumulte de conversations accompagnées de gestes, de cris, de protestations parce que des mains s’égaraient parfois sur des croupes, ne pouvait intéresser Tristan. Il demeurait confondu par ce qu’il avait vu : deux hommes qui sans doute étaient naguère de connivence s’étaient entretués – ou du moins avaient fait en sorte de le faire parce que Guesclin, par le truchement de Couzic, les avait excités l’un contre l’autre. Bourbon et Beaujeu pouvaient être satisfaits : ils avaient voulu une vengeance ? Ils en avaient obtenu trois dont deux sous le sceau du prodige. Sitôt , rendus dans leur fief, ils se répandraient en commentaires plus longs assurément que n’avait duré le singulier poignis. Seuls les animaux de leur demeure n’en  seraient point avisés !
    –  Alors, vous avez vu ! C’était… Comment dire ? Magique…
    Audrehem. Il y était aussi. Comme toujours au dernier rang bien qu’il n’y eût cette fois rien à craindre.
    Il passa. Une femme le suivait de près, un gros œillet de parchemin planté dans ses cheveux surmontés d’un peigne d’écaillé énorme.
    –  On dirait, observa Paindorge, qu’un loudier 122 a oublié sa fourche dans sa tête.
    Tristan allait s’ébaudir quand advint devant lui le prodige espéré.
    –  Francisca.
    –  Quoi, vous la connaissez ! s’écria l’écuyer. Messire, ce matin je l’ai vue devant notre maison. Elle parlait à Ximenez… Elle demandait après quelqu’un…
    –  Tu aurais pu me prévenir !
    –  Je ne suis point entremetteur ni teneur de chandelle !
    L’écuyer s’éloigna en hâte, insensible aux protestations des gens qu’il heurtait des coudes et des épaules.
    « Il m’en veut ! » enragea Tristan. « Il pense à Luciane… Et moi, donc ! »
    Francisca souriait toujours, dénuée, cette fois, de l’effronterie qui semblait l’essence même de son caractère. Était-elle venue pour lui en cet endroit, persuadée qu’il figurerait dans le rassemblement des prud’hommes de France, d’Espagne et d’Aragon soucieux de voir deux Juifs s’entre-occire ?
    Il la considérait en s’efforçant de lui dissimuler son trouble. Elle était vêtue d’une robe de tiretaine rouge, toute simple. Il voyait sous le col largement

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