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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quelqu’un non loin de Tristan. Voyez Daniel : on dirait Achille sa Pélias en main- 119 … Mais Achille n’était point Juif !
    –  Frère Béranger ! s’exclama sourdement Paindorge. Il y a moult semaines que nous l’avions perdu de vue.
    –  Hé oui. Peut-être, craignant d’être meurtri, est-il demeuré en arrière. Le danger n’est pas grand avec les vêtements qu’il porte. Peut-être aussi a-t-il souvente-fois soulevé sa coule et abaissé sa cuculle…
    – … pour encuculer quelques belles Espagnoles, dit Espiote en s’intercalant entre Tristan et son écuyer.
    Puis, entrechoquant ses poings gras et pelus :
    –  Bon sang ! J’ai été retardé… J’ai bien cru que je manquerais à ce combat… Quant au moine, croyez-moi : il s’en paye !… Il est vrai que dans ce pays, il   n’y a pas de prêtres sans concubines. Un homme, des  femmes : voilà au moins ce que les Maures ont enseigné aux Espagnols. Oh ! Oh ! Voyez-vous ça…
    Les deux Juifs se jetaient l’un sur l’autre. Les fers des épieux traversèrent simultanément les écus et se faussèrent tant les heurts avaient été violents. Alors, abandonnant les hampes inutiles mais conservant les boucliers crevés, les deux hommes tirèrent les couteaux et s’entredonnèrent maints coups que les mailles arrêtèrent.
    –  Turquant domine, dit Paindorge.
    –  Vrai, acquiesça Espiote. J’espère que l’autre se regimbera. J’aimerais voir durer longtemps cette chamaille.
    –  Pas moi, murmura Tristan. Voyez : Daniel est atteint au bras, juste au-dessus du coude. Les mailles sont percées, le sang coule.
    « Les mailles… » songea-t-il soudain.
    Que devenait Tiercelet, le mailleur de Chambly et le meilleur ami qu’il eût au monde ? Veillait-il toujours sur Luciane ou l’avait-il quittée pour rejoindre quelque herpaille où la vie lui serait plus libre et plus facile ?
    Le sang de Daniel gouttait sur les herbes. Cependant, la navrure paraissait peu profonde.
    –  Traître ! hurla Turquant. Déloyal ! Comme tu t’es parjuré quand tu as juré Dieu qui bailla sa loi à Moïse. Il te doit abominer depuis que tu l’as parjuré !
    –  Tais-toi ! Tu as occis la reine ! Je n’en démordrai pas !
    Il y eut un rire : Guesclin.
    –  C’est bon dit le Breton, qu’ils parolent dans notre langue. Que le meilleur l’emporte vélocement : je crois qu’il va pleuvoir à verse.
    Les nuages roulaient et semblaient vouloir toucher terre. Les éclairs redoublaient : plus vifs, plus longs ; le ciel craquait, s’écartelait et grésillait sous leurs décharges éblouissantes. Aux créneaux et devant les portes, les Sévillans criaient soit de plaisir en voyant les Juifs combattre, soit de peur quand leurs yeux se levaient vers le ciel. Tout n’était en haut que vacarme. Accrochées aux branches des arbres, les grandes bannières caligineuses s’y lacéraient et dissolvaient en volutes frémissantes cependant que l’orage grondait de plus en plus sombrement.
    En bas, et pour mieux agir, les deux combattants avaient abandonné leur écu. Ils se frappaient où ils pouvaient, de sorte que sur un taillant à la face, la barbute de Turquant tomba.
    –  Sa joue est percée, dit Espiote.
    –  Daniel est touché à l’épaule.
    –  Ils choient ! dit Tristan.
    Les hommes enlacés se convulsaient au sol. On entendit soudain la voix d’Henri qui, sans doute, s’adressait à Guesclin :
    –  Voilà de forts champions. Ils se comportent bien.
    –  Pour des Juifs !
    Daniel avait désormais l’avantage. Allongé sur Turquant, l’arme levée, prête à s’enfoncer dans sa gorge, il sentit, comme tous les gens groupés autour d’eux, que le ciel s’enténébrait davantage. Les nuages crevèrent en même temps. Une pluie furibonde et glacée tomba. Les éclairs redoublèrent et la foudre jaillit, bruyante, éblouissante, attirée par la lame que le vainqueur probable brandissait.
    Gluant de sueur, Tristan vit les deux hommes tressaillir comme si, tout à coup, le ciel ou l’enfer les précipitait sur un gril chauffé à blanc. Ils fumèrent, rôtis, convulsés, horriblement noirs dans leurs mailles un instant rougies au feu du ciel et il parut, à l’évidence, qu’ils avaient rétréci.
    Seuls les deux Juifs avaient été touchés.
    –  Miracle ! hurla frère Béranger. Miracle !
    Un homme, un écuyer quitta vélocement les rangs. Tristan crut reconnaître Pierre de Louesmes, le pennoncier

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