Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
l’aimes ?
    Il saisit la main de Francisca et la porta à ses lèvres. Il en baisa l’avers et le revers, persuadé de lui rendre un hommage qui la rehaussait dans l’opinion déjà élevée de sa propre valeur. De fait, elle le considérait avec une gravité singulière comme si ce double baiser les affranchissait de longues commençailles – ou fiançailles – et qu’elle s’engageait envers lui à une fidélité qu’il ne lui demandait pourtant pas.
    La pluie recommença. Un porche apparut au détour d’une rue. Il s’ouvrait sur un patio fleuri, vide de toute présence, sauf celle d’une colombe sur le rebord d’une amphore. Il y avait un banc ; Francisca s’y assit la première. Tristan sentit bientôt leurs hanches se toucher : elle avait fait en sorte de laisser la place vacante à sa senestre afin que l’épée dont elle n’avait pourtant pas paru se soucier ne leur devînt une gêne.
    –  Quand pars-tu ? T’en vas-tu avec les fidalgos 123  ?
    –  Je n’en ai pas reçu commandement.
    –  C’est l’homme à la face de singe qui est au-dessus de toi ?
    Il rit, imaginant Guesclin sur la maîtresse branche d’un des arbres qui ceignaient l’Alcâzar, pelant pour la manger une granada mûre. Elle lui reprocha, sourcils froncés, une gaieté dont elle se croyait l’objet et il la prit par l’épaule. Elle eut un mouvement pour se dégager. Il cessa quand il eut dit :
    –  Je voyais l’homme dont tu parles nu et pelu, dans un arbre, dévorant une granada… mora bien qu’il soit plus près du butor que du singe.
    Le sourire nacré réapparut et Tristan se demanda s’il était encore temps de rompre ce qui n’était qu’une passionnette et pour lui et pour elle. Lançant un regard au-dehors, il se réjouit de voir que la pluie avait cessé. Les Sévillans recommençaient à encombrer la rue. Prenant Francisca par la main, il l’entraîna dans la cohue. Des corps les pressèrent l’un contre l’autre et il put tout à son aise voir de près ce visage aux joues d’enfant et au sourire de femme. Belles lèvres aussi, avides sûrement, et ces yeux dont la luminosité faisait oublier les ténèbres d’un jour d’orage, ces yeux aux paupières bleutées, aux sourcils longs et fournis qui donnaient à la sincérité des regards une candeur et un accent de vérité supplémentaires.
    Il eût aimé la ceinturer d’un bras ; mieux : la saisir par la taille – face à face et frotter son ventre au sien.
    Recouvrer les sensations de l’amour, les soupirs de l’amour et peut-être bientôt les gestes. Comme un nouveau porche s’offrait à leur vue, il y entraîna Francisca et fermement l’appuya contre lui sans qu’elle se défendît de cette étreinte possessive ni du baiser qui la scellait. Un bonheur nouveau – ressuscité – l’envahit des épaules aux reins tandis qu’il sentait les ongles de la jouvencelle pénétrer la chair de ses bras, juste au-dessus des coudes.
    Ainsi, elle ne se regimbait pas. Il était pénétré de sa tiédeur, de son ardeur, de l’odeur poivrée, mirifique, d’une chair qu’il sentait vibrer – à moins qu’il ne se méprit et que ce fut la sienne. Depuis longtemps déjà, Luciane était lointaine. Maintenant, elle n’existait plus.
    –  Querido…
    Il avait maintes fois entendu ce mot-là. Qu’il fût ou non sincère avait peu d’importance. À défaut de se savoir aimé, il pouvait se prétendre admiré. Une femme tenait à lui, il tenait une femme. Il ne s’étonnait pas que les « choses », entre eux, fussent allées aussi vélocement. Francisca existait et le voulait pour amant. Une exigence plus forte que toutes les lois et convenances en vigueur les poussait l’un vers l’autre, irrésistiblement. Pour qu’un regard les eût appariés, pour qu’ils se fussent revus sans même se chercher dans la foule sévillane, il fallait que la Providence les eût choisis. Et qu’importaient ses intentions !
    –  Viens, dit Francisca.
    Elle le prit par la main, insoucieuse des regards des gens et de l’étonnement de quelques-uns qui devaient la connaître – les hommes surtout.
    –  Viens, dit-elle derechef, les doigts encastrés dans ceux de cette main d’homme qui s’émouvait de se laisser faire.
    Comme il hésitait l’espace d’un instant, elle regarda autour d’elle et posa ses lèvres sur celles de ce compagnon dont elle savait si peu de chose. Baiser bref dont la voracité donnait à supposer une malefaim

Weitere Kostenlose Bücher