Les Fils de France
lui monter au front. Mais la duchesse d’Étampes sut le mettre à son aise.
— Je trouve cette histoire merveilleuse, déclara-t-elle. Si tous les combats pouvaient s’achever dans un fou rire !
— Les champs de bataille changeraient d’aspect, concéda Simon.
La favorite, cette fois, pouffa sans retenue.
— On entend beaucoup la galerie !
— Cet Orléans est un vrai rabat-joie, murmura la duchesse entre ses dents. Vraiment ils se sont trouvés !
Elle faisait allusion à son ennemie intime : « la Vieille » comme elle disait... Le beau Ferrarais, qui aimait rire ou plutôt, n’aimait pas qu’on rît sans lui, vint se mettre en tiers à leur entretien.
— Duchesse, vous m’avez l’air plus dissipée encore que de coutume. Serait-ce notre chevalier qui vous débauche ?
« Notre chevalier »... Simon, tout en s’efforçant de faire bonne figure, se sentait déplacé dans ce monde factice. Lui, l’enfant bâtard, le frère proscrit, le pilier de taverne, voilà qu’il devisait maintenant, en toute complicité, avec la maîtresse en titre du roi de France !
— Je suis d’humeur joyeuse, répartit Anne de Pisseleu, et ce n’est pas sans raison.
On voulut en savoir davantage.
— Figurez-vous que l’ambassadeur impérial nous quitte.
— Rappelé ?
— Évidemment. C’est la guerre... annonça la favorite comme elle eût dit : « voici le printemps » ou « c’est aujourd’hui mardi gras ».
— Fini le jeu de paume ! soupira le dauphin François qui s’était approché du petit cercle.
— Vous avez encore un peu de temps. Mais le roi veut ses trois fils avec lui au combat.
— S’il peut s’y rendre, vu son état...
— Le fait est que ce mauvais abcès ne va pas en s’arrangeant. Le pauvre homme endure un martyre, lâcha la belle Anne avec une moue et l’amorce d’un frisson.
La partie de paume s’achevait mais le public, saisi par la nouvelle de la guerre, ne manifesta pas, pour les vainqueurs, l’enthousiasme habituel. On ne parlait plus, dans la galerie, que de camps, d’armées, d’ordres de marche et de bagages... Montecucculi, posant la main sur l’épaule de Simon, sourit à la favorite.
— Que diriez-vous, madame, de prier Coisay de se joindre à nous ce soir ?
— Riche initiative, comte ! Monsieur de Coisay, je recevrai dès neuf heures.
Elle allait quitter les lieux quand, mue par une soudaine réminiscence, elle revint vers Simon.
— Coisay, dit-elle, Coisay... Un rapport avec le Gautier du même nom ?
Le « chevalier » se raidit un peu.
— Aucun, madame.
Lyon, chez la grande sénéchale.
L a reine Éléonore, quand une de ses dames était souffrante, n’hésitait jamais à braver ses médecins pour s’installer son chevet. Et il n’était pas rare, dans ces circonstances, qu’elle voulût même se rendre utile et que, relevant un oreiller ou servant un bouillon, la souveraine se mît au service de celle qui, de coutume, était au sien.
Ce soir-là, dans la chambre de la grande sénéchale, tendue de blanc et de bleu tendre, elle avait apporté divers petits livres que les imprimeurs lyonnais lui avaient dédiés, dont un recueil de poèmes de Louise Labé.
— Madame, s’excusa la malade, je m’en voudrais de vous gagner à mon mal...
— Je suis solide, ma bonne, mais si d’aventure j’en étais atteinte, je ferais placer mon lit à côté du vôtre, pour que nous causions !
Un huissier annonça le duc d’Orléans ; et la reine, malgré tout, en profita pour s’éclipser... Le jeune prince salua sobrement sa belle-mère, puis il se précipita au chevet de sa confidente. D’un naturel déjà sombre, il paraissait assombri encore par l’affection touchant sa chère amie.
— Comment vous sentez-vous, depuis tout à l’heure ?
— Je vais mieux dès que je vous vois.
En vérité, ce dont souffrait Diane de Brézé n’inquiétait guère la Faculté : simple refroidissement, disait-on, à peine compliqué d’un rhume de cerveau.
— Voyez-vous, se plaignit-elle au prince Henri, nous autres, nous sommes faits pour l’exercice et le grand air. Vous avez, vous, la paume et les quilles, mais moi, coincée dans cette ville, je manque à mes chevauchées du matin...
— Comme je vous comprends ! approuva Henri.
Il lui parlait toujours avec une nuance de respect teinté d’admiration.
— La nouvelle Diane est chasseresse comme l’ancienne !
— Oui. « Vous êtes la Diane de ces forêts » me
Weitere Kostenlose Bücher