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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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disait, autrefois, mon mari...
    La phrase était de son père, en fait. Mais depuis sa condamnation pour trahison, dix ans plus tôt, elle tenait Jean de Saint-Vallier dans un oubli total.
    Un jeune herboriste soignait ici la grande sénéchale ; il entra sur ces entrefaites. C’était un curieux personnage, si difforme en vérité qu’on aurait pu, sans malice aucune, le prendre pour un fou de Cour. Il était réputé dans tout le Lyonnais pour ses décoctions miraculeuses, dont le secret des plus anciennes remontait – se disait-il – aux druides.
    — C’est l’heure, madame, de votre tisane.
    Il voulut tendre à la patiente une tasse fumante, mais le jeune prince s’interposa très galamment ; et c’est lui qui, avec des grâces infinies, tendit son breuvage à la chère malade.

    Ponctuel et réglé, comme toujours, le grand maître entra dans la chambre de son amie malade à six heures sonnantes. Il apportait une petite chatte toute blanche, dans un panier noir. Il salua le duc d’Orléans, puis s’approcha du lit pour baiser la main de Diane. Si son allure – toujours imposante – était immuable, il y avait dans ses yeux comme un éclair de contentement.
    — Je sors de chez le roi, annonça-t-il en se plantant, comme une statue, au pied du lit.
    Ses amis attendaient la suite.
    — Il semblerait que la guerre ne soit plus qu’une question de jours.
    — La guerre est déjà déclarée, rectifia le prince Henri.
    — Non, Monseigneur. L’ambassadeur de Charles a quitté ; c’est un indice sérieux, mais ce n’est pas encore la guerre.
    Diane se signa d’un air pénétré, et Henri l’imita aussitôt.
    — On dirait, à vous voir, que cette issue fatale, contre quoi nous avons tant lutté, vous réjouit presque, dit-elle.
    — Ce n’est pas l’issue qui me réjouit, ma chère Diane ; c’est ce que le roi m’a laissé entendre !
    — Mon père entend-il vous confier un commandement ?
    Montmorency dévisagea le jeune prince d’un air de complicité. La gaucherie d’Henri, la difficulté patente qu’il éprouvait à user de formules polies ou caressantes, s’accompagnait, sur le fond, d’une grande pertinence et d’une justesse de vues où lui-même, militaire avant d’être diplomate, se reconnaissait. Le maréchal confirma qu’un commandement pourrait, très prochainement, lui être confié de nouveau.
    — Il semblerait que l’amiral, après avoir lâché la meute, ne soit plus à même de s’en faire obéir.
    — Quand on en vient aux choses sérieuses...
    Diane avait laissé tomber ces mots sur un ton de souverain mépris.
    — Quand on en vient aux choses sérieuses, acheva Montmorency, il faut nommer des gens sérieux. Le roi, semble-t-il, songerait à faire de votre serviteur son « lieutenant général, tant en deçà des Monts qu’au-delà ».
    — Ah, tout de même !
    — Est-ce à dire, maréchal, que je pourrais être amené à servir sous vos ordres ?
    Il y avait, dans la question du prince, tant d’espoir que le grand maître en fut touché.
    — Cela se pourrait bien... Mais rien n’est encore fait.
    La grande sénéchale prit un moment la chatte dans ses bras mais, plus embarrassée qu’amusée par le présent, elle s’empressa de la confier au jeune prince.

    La courte visite du maréchal avait empli Orléans d’excitation. Depuis son départ, il tournait dans la chambre, la chatte blanche dans les bras, se cognant aux meubles et gênant le service des femmes qui préparaient le lit pour la nuit.
    — Henri, calmez-vous donc ! le rabroua maternellement la sénéchale.
    Quand ils restèrent seuls dans la chambre, le jeune prince, grand lecteur de romans de chevalerie, profita de ce tête-à-tête inespéré pour se risquer.
    — Depuis mon retour d’Espagne, madame, vous avez été mon guide. Je n’ai cessé de recevoir de vous force leçons d’honnêteté et de courtoisie.
    — C’est la mission, Henri, que m’avait confiée votre père. Je vous ai rendu parfait galant, c’est vrai : à la fois discret, soigné, raffiné même...
    — J’ai toujours, madame, été soucieux de vous complaire, de vous servir aussi ; et vous m’avez repris en tout ce que j’avais de malséant ou d’incivil...
    — J’ai fait de mon mieux.
    Le prince laissa la chatte lui échapper ; elle rebondit gracieusement en miaulant, et disparut par la porte entrebâillée. Henri la ferma derrière elle et, comme on réciterait une leçon apprise, se lança dans

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