Les Fils de France
fantasque avec Melle des Colliers, il se replongea lui-même avec joie dans sa partie de flux 3 . Il y était encore une demi-heure plus tard quand la maîtresse des lieux, prenant la place d’un joueur, se retrouva face à lui.
— Vous amusez-vous bien ?
— Duchesse, c’est un enchantement...
— Ce n’est pas chez la Vieille que l’on s’amuse ainsi... Mais, dites-moi : ne dansez-vous jamais ?
Simon ne pouvait se dérober.
— Si vous me faites la grâce...
— Si fait, si fait.
Ils partagèrent deux ou trois voltes, toujours plus physiques, chaque fois moins réservées... À la fin, la duchesse se laissa choir, exténuée mais ravie, sur un gros coffre de mariage.
— Ceci n’est plus un salon, dit-elle, c’est un lupanar.
Simon avait remarqué, en effet, que l’heure aidant, les couples se faisaient et batifolaient... Anne de Pisseleu passa un bras audacieux autour du cou de l’écuyer.
— Sebastiano mio ! héla-t-elle.
Montecucculi apparut, comme un génie surgi de la lampe. La duchesse lui appliqua son poing sur le ventre.
— Vous avez trop bu, dit-elle au comte. Ah ! Que diriez-vous, mes beaux sires, d’abandonner ces gens à leurs turpitudes ?
Elle entraîna ses nouveaux amis vers sa chambre, juste éclairée de quelques bougies aux fumées suaves, ambrées. L’huis se ferma derrière eux, comme dans un conte, et tous les trois se virent entourés de tentures extraordinaires, représentant une forêt de rêve, tellement accueillante... La favorite et l’échanson, embellis encore par un début d’ivresse, se dévêtirent en un rien de temps, comme des gens habitués. Le « chevalier » les imita, un peu moins adroitement peut-être. Puis tous trois se roulèrent comme des collégiens dans les édredons de satin cramoisi.
Simon n’était pas un grand amoureux. À trente ans, on ne lui connaissait nulle affaire sérieuse, nulle romance légère. Ses ébats, assez rares en fin de compte, s’étaient résumés, le plus souvent, à des étreintes rapides, sans lendemain ni vrai bonheur, avec des filles faciles plus ou moins – pour ne pas dire appointées. Et voilà que, pour la première fois depuis longtemps, il était malgré lui submergé de désir et d’émotion. Pendant de longues, de fabuleuses minutes, il se laissa choyer, peloter, titiller, il se laissa emporter par l’amante et l’amant réunis. De temps à autre, une ombre de gêne le ramenait pourtant sur terre.
— Je vais vous laisser, disait-il, comme repris par ses démons.
Mais à chaque fois un bras de Sébastien, une jambe d’Anne, le pied d’un elfe, les doigts d’une fée, le retenaient ; elle de la pointe de ses seins, lui du bout de son sexe, savaient effleurer le novice avec assez de précision pour le tétaniser. Alors, sur les notes d’un hautbois qui – comme dans un songe – paraissaient tomber des frondaisons de laine, il fit la connaissance de cette nymphe, se repaissant de ses splendeurs offertes sans limite. Puis c’est elle qui, prenant le dessus, le poussa dans les bras du faune où il s’abandonna comme il n’aurait pas cru possible de s’abandonner jamais. Le corps de Sébastien, puissant et doux à la fois, lui apparut – l’espace d’un moment – comme le sommet parfait de la Création.
— Il a trouvé sa monture, chuchota la belle à l’oreille du Ferrarais.
— Je crois, oui.
Sans regret, et même avec une sorte de gourmandise, elle observa de tout près le baiser frénétique des deux garçons jouant avec leurs langues, sublima leurs caresses, épousa leurs ébats remuants, partagea leur accouplement, leur lutte aussi virile, mais tellement plus tendre, que celle de la Salamandre...
Le silence s’était fait dans l’appartement : les derniers convives avaient dû s’égailler. Tous trois, en harmonie, contemplaient leurs ébats dans un miroir fort indiscret, quand la jeune Melle des Colliers, la voix blanche d’angoisse, cassa le charme en faisant irruption dans la chambre.
— Le roi, madame, voici le roi !
— Le roi ?
Le comte réagit aussi prestement que la duchesse, et cramponnant Simon par les cheveux, l’attira près de lui par terre, et de là, sous le lit. La favorite, avec la complicité experte de sa confidente, se glissait pendant ce temps dans un lit retapé à la hâte, assez vite pour donner le change. Déjà le pas martial du roi de France résonnait sur le plancher.
— Comme vous voyez, je vais mieux, déclara François
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