Les Fils de France
analyses. Messieurs, j’ai l’honneur de vous annoncer que nous allons attaquer bientôt.
— Bonne nouvelle ! avait approuvé Brissac soutenu du reste par le jeune comte d’Enghien qui rentrait de Piémont, auréolé de sa victoire à Cérisoles.
Henri prépara l’offensive cruciale. Il avait mis toutes les chances de son côté et, tablant sur le dévouement encore juvénile d’un brillant état-major, s’apprêtait à stopper l’avancée impériale, à saigner les troupes de Charles Quint, à libérer le royaume et à créer les conditions d’un traité plus que favorable à la France. Cette fois, Henri tenait sa victoire – mieux : son triomphe. Et si tout se passait comme il croyait pouvoir l’envisager, il pourrait d’ici peu se présenter à Chantilly pour déposer aux pieds de son maître, Montmorency, le glorieux tribut de leçons bien comprises.
Seulement, il n’était pas le seul à préparer l’avenir... À Saint-Maur, la perspective d’un triomphe du dauphin effrayait bien du monde – à commencer peut-être par le roi lui-même. Poussé par une duchesse d’Étampes aux abois, soutenu par une reine obsédée par la nécessité d’une paix renouvelée avec son frère l’empereur, l’amiral d’Annebault avait fini par prendre la route de Soissons. Il devait rencontrer Charles Quint en l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes. C’était le 12 septembre. Le 15, une trêve se négociait ; le 16 elle était décidée. Et le 18 septembre 1544, on allait signer à Crépy-en-Laonnois une paix étonnante, sans précédent depuis le « honteux traité de Troyes » – paix entièrement défavorable à la France, et qui, de plus, revenait à privilégier dans l’avenir le prince Charles, duc d’Orléans, au détriment des intérêts légitimes de son frère aîné Henri !
Plus que jamais, les intrigues de cour venaient de supplanter, dans la décision royale, les intérêts de l’État.
Dans son camp, à Meaux, le dauphin s’apprêtait à passer une ultime revue de ses troupes, quand un messager royal lui apporta, dans un même pli, la nouvelle de cette drôle de paix, et l’ordre de plier bagages et de faire route, à marche forcée, vers Boulogne et les Anglais.
Henri relut le message trois ou quatre fois, d’abord sans bien comprendre ; puis en ne comprenant que trop. Ses traits se figèrent. Il blêmit.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda le comte d’Aumale, toujours un peu indiscret.
— Rien, répondit le prince.
— Je puis lire ?
— Non. Non, ce ne sont pas des choses à montrer.
Une douleur violente venait d’atteindre Henri en plein dans l’estomac. Il grimaça. Il se dit qu’il aurait préféré – mille fois – que cette douleur lui fût procurée par une lance ennemie, plutôt que par cette missive portant le paraphe de son père abusé par des mécréants.
Le dauphin, essayant de repousser loin de lui cette amertume qui le dévorait, se jura bien que, tôt ou tard, il réglerait leur compte aux vilains.
Mons.
L ’empereur, heureux – il pouvait l’être – du traité de Crépy-en-Laonnois, avait eu l’idée de célébrer la paix retrouvée par un voyage officiel de sa sœur, la reine de France, à Bruxelles. Le prince Charles, duc d’Orléans, serait du voyage, dont on avait convenu qu’il épouserait une princesse de l’Empire, admirablement dotée. Surtout, les instigateurs de ce voyage avaient réservé une place de choix à la maîtresse du roi : Mme d’Étampes ne devait pas suivre la reine comme dame d’honneur, à son ordinaire, mais bien l’accompagner sur un pied d’égalité, ou presque, en tant que garante de la paix.
À chaque d’étape d’un véritable chemin de gloire entre Paris et Bruxelles, les réceptions, les fêtes, les solennités firent donc la part belle à la favorite, tout heureuse d’accéder enfin à une reconnaissance à ce point publique, et de recevoir des marques d’honneur dont elle s’était toujours sentie frustrée. Sa plus grande satisfaction, peut-être, était de constater combien la souveraine l’appréciait et la mettait en valeur ; loin de lui tenir grief d’une position délicate à son égard, Éléonore en rajoutait, en effet, dans l’amabilité envers une femme dont elle avait, depuis longtemps, trop mesuré l’influence pour ne pas tâcher de se la concilier.
— Ma chère, lui rabâchait la reine pendant les trajets – car elles partageaient une litière – ce voyage
Weitere Kostenlose Bücher