Les fils de la liberté
demanda Roger, sceptique.
— Si, admit Buccleigh. Elle m’a parlé du bateau et de vous. Mais ça ne changeait rien. Vous courtisez toutes les femmes mariées ou c’est juste Morag qui vous plaisait ?
Roger répondit sur le même ton tranchant :
— Morag est mon ancêtre. D’ailleurs, puisque vous voulez savoir qui vous êtes, vous êtes mon arrière-arrière-grand-père, quatre ou cinq générations en arrière. Mon fils s’appelle Jeremiah d’après mon père, qui tenait son prénom de son grand-père, qui le tenait sans doute de votre fils.
Il ajouta après une brève pause :
— J’ai peut-être perdu quelques Jeremiah en cours de route.
Buccleigh avait blêmi et le dévisageait d’un air ahuri. Il se tourna vers Brianna, qui confirma d’un hochement de tête, puis il scruta les traits de Roger.
— Regardez ses yeux, lui enjoignit Brianna. Vous voulez que j’aille vous chercher un miroir ?
Buccleigh s’apprêta à répondre puis referma la bouche et baissa la tête. Il saisit sa tasse, la fixa un instant comme s’iln’en revenait pas de la trouver vide, puis la posa et demanda à Brianna :
— Vous n’auriez pas quelque chose de plus fort que du café, a bhana-mhaighstir ?
Pendant que Roger allait chercher dans son bureau l’arbre généalogique dressé des années plus tôt par le révérend, Brianna sortit une bouteille d’Oban et en versa une dose généreuse dans le verre de Buccleigh. Après réflexion, elle remplit deux autres verres pour Roger et elle, puis plaça une carafe d’eau sur la table.
— Vous prenez votre whisky avec de l’eau ou sec ?
A sa surprise, il saisit la carafe et en versa un peu dans son verre. En voyant son expression, il sourit.
— Si c’était un tord-boyaux, je le viderais cul sec mais dans le cas d’un bon whisky, quelques gouttes d’eau ouvrent son bouquet. Je suis sûr que je ne vous apprends rien. Pourtant, vous n’êtes pas écossaise.
— Si, par mon père. Il s’appelle… s’appelait James Fraser, de Lallybroch. On le surnommait le Dunbonnet.
Il cligna des yeux, regarda autour de lui, puis se tourna à nouveau vers elle.
— Alors… vous aussi vous en êtes une ? Comme votre mari et moi ? Une… je-ne-sais-pas-trop-quoi ?
— Oui, une je-ne-sais-pas-trop-quoi non plus, confirma-t-elle. Vous avez connu mon père ?
Il ferma les yeux pour boire. Il fallut un certain temps pour que le whisky se fraie un chemin dans son gosier.
— Bon sang, ce que c’est bon ! dit-il enfin. Non, je suis né un peu plus d’un an après Culloden. Mais j’ai entendu parler du Dunbonnet quand j’étais enfant.
— Vous avez dit que vous ne connaissiez rien à la terre, demanda Brianna intriguée. Que faisiez-vous en Ecosse avant d’émigrer ?
Il prit une profonde inspiration et expira par le nez, exactement comme le faisait son mari. Ce doit être une manie des MacKenzie, pensa Brianna amusée.
— J’étais avocat.
— En voilà une profession utile ! déclara Roger en entrant.
Il étala l’arbre généalogique sur la table et pointa un doigt vers le bas de la feuille.
— Vous voici. Et me voilà !
Buccleigh se pencha sur la feuille, l’étudiant attentivement en silence. Brianna le vit déglutir à plusieurs reprises. Son visage était pâle sous ses joues mal rasées.
— Oui, dit-il enfin. Là, il y a mes parents, mes grands-parents… et ici, le petit Jem, exactement là où il devrait être. Je veux parler de mon Jem. Mais j’ai un autre enfant. Enfin, je crois. Morag était enceinte quand je… quand je suis parti.
Roger s’assit. Il semblait moins méfiant et moins en colère. Il observait William Buccleigh avec une pointe de compassion.
— Parlez-nous de ça, de la manière dont vous êtes « parti ».
Buccleigh poussa son verre vide vers Brianna mais n’attendit pas qu’elle le lui remplisse.
Le propriétaire de la fabrique dans laquelle il travaillait avait été ruiné à la suite de la défaite d’Alamance. Jeté en prison pour avoir pris part à la Régulation, sa fabrique avait été confisquée. Les MacKenzie s’étaient retrouvés à la rue, sans argent et sans parents pouvant leur venir en aide.
Brianna et Roger échangèrent un regard. Buccleigh ignorait sans doute qu’il se trouvait non loin d’une parente proche… et riche. Jocasta Cameron était la sœur de Dougal MacKenzie et donc sa tante.
Bree arqua des sourcils interrogateurs mais son mari fit discrètement non de la
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