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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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piquer les yeux et, portant une main à son front, se rendit compte qu’il saignait. Joey le Simplet avait dû le mordre accidentellement quand il lui avait donné un coup de tête. Il eut une grimace de dégoût en palpant les marques de dents sur sa peau, puis sortit un mouchoir pour s’essuyer.
    Pendant ce temps, la situation sur le sol devenait de plus en plus claire. Une bonne maîtresse aurait certes tenté de réconforter son domestique blessé mais de là à l’appeler mochridhe … Sans parler de l’embrasser avec passion sur la bouche, indifférente aux traînées de sang et de morve.
    — Mmphm, fit-il.
    Surprise, elle releva vers lui une figure baignée de larmes et couverte de sang. Elle n’avait jamais été aussi jolie.
    Il indiqua Joey d’un signe de tête.
    — Lui ? Mais, par tous les saints, pourquoi ?
    Elle le fixa en plissant les yeux, accroupie, comme prête à bondir. Elle le dévisagea longuement puis redressa le dos, serrant à nouveau la tête de Joey contre son sein.
    — Parce qu’il a besoin de moi. Toi, fumier, ça n’a jamais été ton cas.
     
    Il laissa son cheval paître au bord du loch, se déshabilla et entra dans l’eau. Le ciel était chargé et le loch rempli de nuages.
    Le fond rocailleux descendait en pente douce et il laissa l’eau grise l’engloutir, ses petites blessures insensibilisées par le froid. Il ferma les yeux, enfonça la tête dans l’eau pour rincer l’entaille de son front, et sentit les bulles de son souffle glisser le long de son cou et lui chatouiller les épaules.
    Puis il nagea lentement, l’esprit vide de toute pensée.
    Il fit la planche sous les nuages, ses cheveux flottant telles des algues. Des gouttes ridèrent la surface de l’eau puis s’intensifièrent. C’était une pluie douce. Il ne la sentait pas, n’était conscient que du loch et des nuages qui baignaient son visage, son corps, lavant le sang et les soucis.
    Reviendrait-il un jour ?
    L’eau remplit ses oreilles et il se rendit compte avec satisfaction qu’en fait il n’était jamais parti.
    Il se retourna et nagea vers le rivage, brisant l’eau lisse. Il pleuvait toujours, un peu plus fort, les gouttes s’écrasant sur ses épaules nues. Pourtant, le soleil couchant perçait les nuages et illuminait Balriggan et ses collines d’une lumière douce.
    Après avoir repris pied, il se tint debout un moment, de l’eau jusqu’à la taille, et contempla le paysage.
    — Non, dit-il doucement.
    Il sentit le remords se fondre en regret puis, enfin, en résignation.
    — Tu as raison, je n’ai jamais eu besoin de toi. Je suis navré.
    Il sortit alors de l’eau, siffla son cheval et, drapant son plaid autour de ses épaules, se tourna vers Lallybroch.

38
    La grotte
    J’écrivis Herbes utiles puis, une fois de plus, m’interrompis pour réfléchir. Ecrire à la plume me rendait à la fois plus circonspecte et plus concise que je ne l’aurais été avec un feutre ou une machine à écrire. Néanmoins, je jugeai préférable de dresser une liste avant de noter tout ce qui me venait à l’esprit concernant chaque plante, veillant à n’avoir rien oublié avant de me lancer dans la rédaction proprement dite.
    J’écrivis d’une traite lavande, menthe poivrée, camphre, souci, grande camomille, digitale pourprée, reine-des-prés . Je revins en arrière et ajoutai un astérisque près de digitale pourprée afin de me souvenir d’ajouter une sévère mise en garde car toutes les parties de la plante étaient extrêmement toxiques à moins d’en utiliser des doses infinitésimales. Je fis tourner ma plume entre mes doigts en me mordant la lèvre. Etait-il bien nécessaire de la mentionner ? Au fond, il s’agissait d’un ouvrage de vulgarisation médicale ; il ne s’adressait pas à des médecins expérimentés habitués à manipuler des médicaments… Je rayai la plante avant d’être prise de doute. Peut-être valait-il mieux en parler, après tout, en l’accompagnant d’un dessin mais également d’un avertissement stipulant qu’elle ne devait être administrée que par un médecin, au cas où quelqu’un aurait l’idée lumineuse de remédier définitivement à l’hydropisie de son vieil oncle.
    Une ombre avança sur le sol devant moi et je relevai les yeux. Jamie se tenait sur le seuil, me regardant avec une expression très étrange.
    — Quoi ? m’inquiétai-je aussitôt. Il est arrivé quelque chose ?
    — Non.
    Il entra dans la bibliothèque,

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