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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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lança des poignées de grain autour d’elle. Je compris qu’elle voulait me parler et avait choisi ce prétexte pour le faire en privé. J’eus un sombre pressentiment.
    Il était justifié car elle jeta sa dernière poignée et, avec elle, les faux-semblants.
    — Je veux te demander un service, annonça-t-elle.
    Elle évitait mon regard et je pouvais voir le pouls à sa tempe battre comme un métronome.
    J’étais impuissante, autant à l’arrêter qu’à lui répondre.
    — Jenny… Je sais.
    Elle releva les yeux vers moi.
    — Sauveras-tu Ian ?
    J’avais vu juste quant à sa requête mais pas en ce qui concernait ses émotions. Il y avait de l’angoisse et de la peur dans son regard mais ni timidité ni gêne. Elle avait un regard de faucon et je savais qu’elle m’arracherait les yeux avec ses serres si je lui refusais ce service.
    — Jenny… Je ne peux pas.
    — Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?
    — Je ne peux pas, nom de nom ! Tu crois que je ne l’aurais pas déjà fait si j’en avais le pouvoir ?
    — Peut-être pas, pour te venger de moi. J’ai déjà demandé ton pardon et j’étais sincère même si j’ai agi en pensant bien faire.
    — Tu pensais… quoi ?
    J’étais sincèrement déboussolée, ce qui la mit en colère.
    — Ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! Je parle de quand tu es revenue et que j’ai envoyé chercher Laoghaire !
    — Ah.
    Je ne l’avais certainement pas oublié mais cela paraissait secondaire au vu du reste.
    — Ce… ce n’est pas grave. Je ne t’en veux pas. Cela dit, pourquoi as-tu fait ça ?
    Cela m’intriguait mais j’espérais surtout noyer le poisson. Elle m’avait l’air au bord du gouffre de l’épuisement, du chagrin et de la terreur.
    Elle eut un mouvement d’impatience et je crus qu’elle allait partir mais elle n’en fit rien.
    — Jamie ne t’avait pas parlé d’elle et ne lui avait pas parlé de toi. Je pouvais comprendre pourquoi mais j’ai pensé qu’en l’amenant ici, il serait obligé de prendre le taureau par les cornes et de mettre les choses à plat.
    Je commençai à m’échauffer à mon tour.
    — C’est elle qui a bien failli le mettre à plat ! Elle lui a tiré dessus !
    — Ce n’est pas moi qui lui ai donné le pistolet, si ? Je ne pouvais pas prévoir ce qu’il lui dirait ni qu’elle essaierait de le tuer.
    — Non, mais tu m’as demandé de partir !
    — Et alors ? Tu lui avais déjà brisé le cœur une fois et j’étais sûre que tu le ferais à nouveau. Tu as eu le culot de revenir parader ici, épanouie, alors que nous avions… nous avions… C’est ça qui a rendu Ian malade !
    — Quoi ?
    — Quand ils l’ont arrêté et jeté dans la prison de Tolbooth. Mais bien sûr, tu n’étais pas là ! Tu n’étais pas là quand nous crevions de faim et étions mortes de peur pour nos maris et nos enfants ! Tu n’as rien vécu de tout ça ! Tu étais en France, au chaud et en sécurité !
    — J’étais à Boston, à deux cents ans d’ici, persuadée que Jamie était mort ! Et je ne peux pas aider Ian !
    Je luttais pour retrouver mon calme, déstabilisée par ce déferlement d’émotions anciennes, ces écorchures à vif de cicatrices d’autrefois. Puis je la regardai et ressentis de la peine. Ses traits fins étaient émaciés et ravagés par l’angoisse. Elle serrait tant les poings que ses ongles s’enfonçaient dans sa chair.
    — Jenny, repris-je plus doucement. Je t’en prie, crois-moi. Si je pouvais faire quoi que ce soit pour Ian… je le ferais. Mais je ne suis pas une fée. Je n’ai aucun pouvoir. Je n’ai que quelques connaissances et encore, pas assez. Je donnerais mon âme pour l’aider… Mais je ne peux rien faire. Jenny, je ne peux pas.
    Elle me dévisagea en silence. Un silence qui s’éternisa au point de devenir insoutenable. Enfin, je la contournai et me dirigeai vers la maison. Elle ne bougea pas et ne se retourna pas mais je l’entendis murmurer dans mon dos :
    — Tu n’as pas d’âme.

40
    Purgatoire II
    Quand Ian s’en sentait la force, il sortait marcher avec Jamie. Parfois, ils n’allaient pas plus loin que l’autre bout de la cour ou la grange. Là, accoudés à la barrière, ils échangeaient des observations sur les moutons de Jenny. D’autres fois, il se sentait assez robuste pour parcourir des kilomètres, ce qui stupéfiait – et alarmait – Jamie. Néanmoins, il était agréable de marcher côte à côte dans la lande, la

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