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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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à aller voir, à qui parler ; et, quand ses sentiments écorchés devenaient insupportables, il pouvait toujours marcher dans la lande, trouvant un apaisement dans sa beauté austère. En revanche, la nuit, la maison redevenait silencieuse ; les craquements du bois étaient ponctués par les quintes de toux de son père et le souffle bruyant de ses deux jeunes neveux dont il partageait la chambre. Il lui semblait alors que la maison tout entière respirait autour de lui, une expiration rauque après l’autre. Il sentait son poids sur sa poitrine, au point qu’il se redressait dans son lit, inspirant à grandes goulées rien que pour se prouver qu’il était toujours vivant. Puis, n’y tenant plus, il descendait à pas de loup, ses bottes à la main, sortait par la porte de la cuisine et marchait sous les nuages ou lesétoiles, le vent frais ravivant les flammes dans son ventre jusqu’à ce qu’il trouve enfin les larmes pour les calmer.
    Une nuit, il trouva la porte déjà déverrouillée. Il sortit, regarda prudemment autour de lui mais ne vit personne. Peut-être le jeune Jamie était-il dans l’étable. L’une des deux vaches allait vêler d’un jour à l’autre. Il aurait sans doute dû aller proposer son aide mais… la brûlure sous ses côtes était douloureuse et il avait besoin de marcher un peu avant toute chose. De toute manière, s’il avait eu besoin d’aide, son frère la lui aurait demandée.
    Il s’éloigna de la maison et des dépendances et passa devant l’enclos aux moutons. Ces derniers formaient des monticules clairs, somnolant sous la lune, émettant de temps à autre un bêlement surpris comme s’ils s’extirpaient brusquement d’un rêve de mouton.
    Un de ces rêves prit soudain forme devant lui : une silhouette sombre se détacha de la clôture. Il poussa un petit cri de surprise, réveillant les moutons les plus proches qui entamèrent aussitôt un concert de bêlements graves.
    — Chut, a bhailach , lui dit doucement sa mère. Si tu effraies tout le troupeau, ils vont réveiller les morts.
    Il la distinguait à présent, menue et fine, ses cheveux dénoués formant une masse sombre sur sa chemise de nuit claire. Il rétorqua :
    — En parlant de morts… Je t’ai prise pour un fantôme. Que fais-tu ici, maman ?
    — Je compte les moutons. Ce n’est pas ce qu’on est censé faire quand on ne parvient pas à s’endormir ?
    — Si.
    Il vint se poster à ses côtés, s’accouda à la barrière, puis demanda :
    — Et ça marche ?
    — Parfois.
    Ils restèrent silencieux un moment, observant les moutons qui retrouvaient leur quiétude et se rendormaient. Ils dégageaient une odeur légèrement fétide d’herbes mâchées, de crottin et de laine grasse que Ian trouvait étrangement réconfortante. Au bout d’un moment, il demanda :
    — Cela sert à quelque chose de les compter quand on connaît déjà leur nombre ?
    — Non. En réalité, je répète leurs noms. C’est comme de réciter le rosaire sauf que tu ne demandes rien. Demander, ça te mine.
    Surtout quand tu sais déjà que la réponse sera non . Ian glissa un bras autour des épaules de sa mère. Elle eut un mouvement de surprise puis se détendit et posa sa tête sur son épaule. Il sentait ses os, aussi fragiles que ceux d’un oiseau.
    Puis elle se détacha doucement de lui.
    — Tu n’as toujours pas sommeil ?
    — Non.
    — Alors viens avec moi.
    Sans attendre sa réponse, elle s’enfonça dans la nuit, s’éloignant de la maison.
    Ses yeux s’étaient accoutumés à l’obscurité et, avec la demi-lune, il n’eut aucun mal à la suivre même dans les hautes herbes, les cailloux et les bruyères.
    Où l’emmenait-elle ? Ou plutôt, pour quoi faire ? Ils grimpaient la colline en direction du vieux broch et du cimetière. Il sentit un frisson le traverser. Voulait-elle lui montrer la future tombe de son père ?
    Elle s’arrêta et se baissa si brusquement qu’il faillit lui rentrer dedans. Puis s’étant redressée elle déposa un caillou dans sa main.
    — Par là, dit-elle.
    Elle le guida vers une petite pierre carrée couchée sur le sol. Il pensa d’abord qu’il s’agissait de la tombe de Caitlin, l’enfant née avant la jeune Jenny et qui n’avait vécu qu’un jour, puis il aperçut sa stèle à quelques pas. Celle-ci avait la même forme et la même taille mais… Il s’accroupit et, passant les doigts sur l’inscription gravée, devina le nom.
    Yeksa’a .
    —

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