Les fils de la liberté
Mais écoutez ce que j’ai à dire et j’espère que vous accepterez de venir.
Comme il s’y était attendu, Hunter se montra d’abord réticent à quitter le camp. Les médecins étaient peu nombreux et, avec toutes les maladies dues au froid et à la promiscuité… Son absence durerait sans doute plus d’une semaine… William eut la sagesse de ne rien dire. Il se contenta d’un bref regard vers Rachel avant de regarder le médecin droit dans les yeux.
Voulez-vous vraiment qu’elle passe ici tout l’hiver ?
Hunter comprit instantanément.
— Tu souhaites que Rachel nous accompagne ?
La jeune femme intervint aussitôt :
— Je viendrai avec toi qu’il le souhaite ou pas, vous le savez tous les deux !
— Certes, soupira Denzell, mais il m’a semblé plus courtois de le lui demander. En outre, il y a aussi…
William n’entendit pas la fin de sa phrase : un gros objet venait de heurter ses jambes par-derrière. Il poussa un cri aigu, chancela puis fit volte-face pour voir qui l’avait attaqué aussi lâchement.
— Ah, j’oubliais Rollo, dit Rachel comme si de rien n’était. Il peut marcher désormais mais je doute qu’il puisse aller jusqu’à Philadelphie. Tu penses qu’il serait possible de lui trouver un moyen de transport ?
Il reconnut aussitôt le chien. Il ne pouvait y en avoir deux pareils. Il tendit précautionneusement un poing pour que l’animal le renifle.
— C’est la créature de Ian Murray ? Où est son maître ?
Les Hunter échangèrent un bref regard puis Rachel répondit d’une voix ferme :
— En Ecosse. Il s’y est rendu avec son oncle James Fraser pour une affaire de famille. Connais-tu M. Fraser ?
William trouvait que les Hunter le dévisageaient un peu trop fixement.
— Oui, je l’ai rencontré une fois, il y a des années de cela. Pourquoi le chien n’est-il pas parti en Ecosse avec son maître ?
De nouveau, cet échange de regards. Que cachaient-ils donc au sujet de Murray ? Rachel répondit sans ciller :
— Le chien a été blessé peu avant qu’ils n’embarquent. L’Ami Ian a eu la bonté de me confier son compagnon. Te serait-il possible de te procurer une carriole ? Ton cheval risque de rechigner à porter Rollo sur son dos.
Lord John enfonça la sangle en cuir entre les dents de Henry. Le jeune homme avait été sérieusement sonné par une bonne dose de laudanum mais il était encore conscient et essaya de sourire à son oncle. Grey sentait la peur qui courait dans les veines de son neveu… et dans les siennes. Il avait un nœud de serpents venimeux dans le ventre, une sensation d’ondulation constante ponctuée de vives morsures de panique.
Hunter avait insisté pour qu’on attache les bras et les jambes du patient au lit afin qu’il ne bouge pas durant l’opération. C’était une journée splendide ; le soleil faisait briller les bords de fenêtres couverts de neige. Le lit avait été déplacé afin que l’on profite au maximum de la profusion de lumière.
Hunter avait poliment refusé qu’on fasse venir le sourcier, déclarant que son activité tenait de la divination. Il ne pouvait en son âme et conscience invoquer l’aide de Dieu si l’opération était entachée par des agissements qui ressemblaient à de la sorcellerie. Cela avait quelque peu offusqué Mercy Woodcock, qui avait bougonné un moment dans son coin, mais elle n’avait pas insisté, trop soulagée (et angoissée) que l’opération ait enfin lieu.
Grey n’était pas superstitieux mais pragmatique. Aussi avait-il soigneusement noté l’emplacement de la balle trouvéepar le sourcier. Avec l’assentiment dépourvu d’enthousiasme du médecin, il sortit une petite règle et triangula minutieusement l’endroit sur le ventre creux de Henry, traçant une petite croix sur le point exact avec du noir de chandelle.
— Je crois que nous sommes prêts, annonça Denzell Hunter.
Il s’approcha du lit, posa les mains sur le front du patient, implora brièvement le Seigneur de le guider, de le soutenir et de donner à Henry de l’endurance et la guérison. Il conclut en reconnaissant la présence de Dieu parmi eux. En dépit de son indécrottable rationalisme, Grey ressentit un léger relâchement de la tension dans la pièce et les serpents dans son ventre se calmèrent un moment.
Il prit la main molle de son neveu dans la sienne et lui dit sereinement :
— Tiens bon, Henry. Je ne te lâcherai pas.
Ce fut rapide. Grey avait
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