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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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heureusement, nous parvînmes à le distancer. Nous essuyâmes également deux grains et une grosse tempête sans sombrer. La nourriture était exécrable mais j’avais l’esprit trop ailleurs pour m’en formaliser et me contentais de chasser les charançons d’une chiquenaude avant de manger mes galettes.
    Une moitié de mon cerveau était concentrée sur l’avenir : la situation précaire de Marsali et de Fergus, l’état de santé d’Henri-Christian et la manière d’y remédier. L’autre moitié (pour être honnête, les trois quarts) était encore à Lallybroch avec Jamie.
    Je me sentais contusionnée et écorchée ; amputée d’une partie vitale de moi-même comme chaque fois que j’étais séparée de Jamie pour une longue période, mais j’avais également la sensation d’avoir été expulsée de chez moi comme une bernique arrachée à son rocher et jetée dans une casserole d’eau bouillante.
    C’était dû en grande partie à la mort imminente de Ian. Il faisait partie intégrante du domaine, sa présence constante avait été un tel réconfort pour Jamie durant toute ces annéesque le perdre était un peu perdre Lallybroch. Etrangement, les paroles de Jenny, si blessantes soient-elles, ne m’avaient pas vraiment troublée. Je ne connaissais que trop cette souffrance frénétique, ce désespoir qui se transformait en rage parce que c’était le seul moyen de survivre. En vérité, je la comprenais parce que je partageais ses sentiments : que ce soit irrationnel ou pas, j’avais l’impression que j’aurais dû être capable de l’aider. A quoi me servaient toutes mes connaissances, mes compétences, si j’étais impuissante quand on avait vraiment besoin de moi ?
    Il y avait aussi une autre facette à cette douleur, et une autre culpabilité lancinante : de ne pas être là quand Ian mourrait, de l’avoir quitté en sachant que je ne le reverrais pas, d’être infichue de lui apporter un réconfort, de ne pas être aux côtés de Jamie et de sa famille quand le couperet tomberait, ou simplement de ne pas pouvoir l’accompagner dans son départ.
    Ian fils en souffrait aussi, encore plus que moi. Je le voyais souvent assis en poupe, fixant le sillage du navire d’un regard sombre.
    Un jour que je m’étais assise à ses côtés, il me demanda soudain :
    — Vous pensez qu’il est déjà parti ?
    — Ton père ? Je l’ignore. C’est probable, compte tenu de son état quand nous avons quitté Lallybroch. Mais certaines personnes ont une résistance remarquable. Tu connais sa date d’anniversaire ?
    Il se tourna vers moi, perplexe.
    — C’est quelque part en mai, pas loin de celle d’oncle Jamie. Pourquoi ?
    Je resserrai mon châle autour de mon cou pour me protéger du froid.
    — Il arrive que des gens très malades mais dont l’anniversaire approche attendent que la date soit passée pour mourir. J’ai lu une étude sur ce sujet un jour. Pour une raison obscure, c’est plus souvent le cas de personnes illustres.
    Il émit un petit rire.
    — Ce n’est pas le cas de papa. Je regrette de ne pas être resté avec lui, même s’il m’a dit de partir et que j’en avais envie. A présent, je m’en veux.
    — Moi aussi, soupirai-je.
    — Mais vous n’aviez pas le choix, protesta-t-il. Vous ne pouviez pas laisser le pauvre petit Henri-Christian étouffer. Papa l’a très bien compris.
    Je souris devant cette tentative sincère de consolation
    — Il a aussi compris pourquoi tu devais retourner en Amérique.
    — Oui, je sais.
    Il se tut un long moment. Le vent était fort et le navire allait bon train mais la mer était agitée, les vagues parsemées de moutons.
    — J’aurais aimé… reprit-il tout à coup avec hésitation, j’aurais aimé que papa rencontre Rachel. Et qu’elle le connaisse.
    Je hochai la tête, me souvenant de toutes ces années où j’avais observé Brianna grandir, souffrant du fait qu’elle ne connaîtrait jamais son père. Puis un miracle était arrivé. Cela n’arriverait pas à Ian.
    — Ton père m’a dit que tu lui avais parlé d’elle. Ça l’a rendu très heureux. Tu as parlé à Rachel de ton père ? De ta famille.
    — Non, jamais.
    — Il faudra que… Qu’est-ce qui ne va pas ?
    Il plissait le front et paraissait affligé.
    — C’est… rien. Juste que… en fait, je ne lui ai jamais rien dit. Bien sûr, il nous est arrivé de discuter un peu de temps à autre, mais nous avons causé de tout et de rien. Et puis…

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