Les fils de la liberté
bras, manquant me renverser. C’était un petit garçon très compact. Il m’embrassa avec effusion et je le serrai contre moi, submergée par une grande vague d’affection. Le trou béant laissé par le départ de Jem et de Mandy se combla un peu. Pendant que j’étais en Ecosse, loin de Fergus et de Marsali, j’avais presque oublié qu’il me restait quatre adorables petits-enfants.
— Tu veux que je te montre un tour, grand-mère ? croassa Henri-Christian.
Marsali avait raison, on aurait vraiment dit un crapaud constipé. Il sauta de mes genoux, sortit de ses poches trois petites balles en cuir remplies de son et se mit à jongler avec une dextérité incroyable.
— C’est son père qui lui a appris, commenta fièrement Marsali.
— Quand je serai grand comme Germain, papa m’apprendra aussi à faire les poches !
Marsali écarquilla des yeux horrifiés et lui plaqua aussitôt une main sur la bouche.
— Henri-Christian, ne reparle plus jamais de ça ! A personne, tu m’entends ?
L’enfant me regarda, perplexe, mais acquiesça néanmoins.
Je lançai un regard angoissé à sa mère. Germain était-il devenu un voleur à la tire ? Elle fit non de la tête. Il faudrait cependant qu’on en reparle plus tard.
— Ouvre grand la bouche et tire la langue, mon chéri, dis-je à Henri-Christian. Montre à grand-mère ta gorge qui te fait si mal.
Il s’exécuta docilement. Une légère odeur fétide s’éleva de sa bouche béante. Même sans stylo lumineux, je pouvais voir ses amygdales enflées qui obstruaient presque totalement sa gorge. Je lui tournai la tête d’un côté puis de l’autre.
— Grands dieux ! C’est un miracle qu’il puisse encore manger.
— Pas toujours, répondit Marsali. Souvent, il ne peut qu’avaler un peu de lait et même là, c’est comme s’il avait une pelote d’épingles dans la gorge, le pauvre chou.
Elle s’accroupit près de moi et lissa en arrière les cheveux noirs et fins de son fils.
— Vous pouvez faire quelque chose, mère Claire ?
— Absolument, répondis-je avec un peu plus de conviction que je n’en avais réellement.
Je sentis la tension fondre en elle et les larmes se mirent à couler sur ses joues. Elle attira Henri-Christian contre elle et lui enfouit le visage dans ses seins pour qu’il ne la voie pas pleurer. Je les serrai tous les deux contre moi, ma joue contre le bonnet de Marsali, sentant l’odeur musquée et âcre de la peur et de l’épuisement.
— Tout ira bien à présent, murmurai-je. Je suis là, tu vas pouvoir dormir.
Marsali dormit le restant de la journée et jusqu’au lendemain. Fatiguée par le voyage, je me reposai un peu dans le grand fauteuil près de la cheminée de la cuisine, Henri-Christian ronflant bruyamment sur mes genoux. Il cessa de respirer à deux reprises durant la nuit et, si je réussis à le faire inspirer à nouveau sans difficulté, il était clair qu’il fallait agir vite. Par conséquent, après un bref somme le lendemain matin, je me débarbouillai, avalai un morceau et sortis acheter de quoi l’opérer.
J’avais apporté avec moi des instruments chirurgicaux très rudimentaires mais l’ablation des amygdales et des végétations ne nécessitait rien de complexe.
J’aurais aimé que Ian m’accompagne. Son aide m’aurait été précieuse, ainsi qu’à Marsali. Toutefois, Philadelphie était trop dangereuse pour un jeune homme comme lui. Il ne pouvait s’aventurer en ville sans se faire arrêter et interroger par les patrouilles britanniques. Il n’aurait pas manqué de paraître suspect, ce qu’il était. En outre, il était bien trop impatient de retrouver Rachel Hunter.
La tâche consistant à localiser deux personnes (et un chien) pouvant se trouver n’importe où entre Charleston et le Canada, sans autre moyen de communication que ses pieds et l’usage de la parole, aurait découragé n’importe qui de moins entêté qu’un membre de la famille Fraser. Ian partageait avec Jamie cette faculté de pouvoir poursuivre un objectif contre vents, marées et tout appel à la raison.
Comme il me l’avait souligné, il avait un avantage : Denny Hunter était probablement toujours médecin militaire. Dans ce cas, il devait se trouver avec des troupes de l’armée continentale. Son idée était donc de découvrir où se trouvait le camp d’Américains le plus proche de Philadelphie et de commencer ses recherches par là, traînant dans les tavernes et les débits
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