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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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après leur passage tout le monde savait ce qu’ils avaient eu à dire…Peu de choses mais ce peu, alarmant. Pourtant, Arthur St. Clair ne pouvait se résoudre à ordonner l’évacuation.
    — Il craint de ternir sa réputation, m’expliqua Jamie avec un calme qui trahissait sa colère. Il ne peut supporter qu’on dise qu’il a perdu Ticonderoga.
    — Mais il le perdra quand même, c’est inévitable.
    — Certes, mais être vaincu après s’être battu contre des forces supérieures est honorable. Abandonner les lieux à l’ennemi sans opposer de résistance ? Il ne peut l’accepter. Pourtant, ce n’est pas un mauvais bougre. J’irai lui parler à nouveau. Nous essaierons tous de lui faire entendre raison.
    « Tous » désignait les officiers de milice qui pouvaient se permettre de dire le fond de leur pensée. Ceux de l’armée régulière partageaient leur avis mais la discipline leur interdisait de parler franchement à St. Clair.
    Je ne pensais pas non plus que ce dernier fût un homme mauvais ou stupide. Il savait – devait savoir – quel serait le prix d’un affrontement. Et celui d’une reddition.
    Jamie poursuivit :
    — Il attend Whitcomb en espérant qu’il lui annoncera que Burgoyne ne dispose pas d’une artillerie digne de ce nom.
    Le fort pouvait en effet résister à un siège. Provisions et fourrage étaient parvenus en abondance de la campagne environnante. Ticonderoga possédait encore quelques pièces d’artillerie, le petit fort en bois sur Mount Independence ainsi qu’une bonne garnison bien équipée en mousquets et en poudre. En revanche, il ne résisterait pas à une canonnade depuis Mount Defiance. Jamie y était grimpé et m’avait dit que l’intérieur du fort était clairement visible depuis le sommet et donc vulnérable à un tir d’enfilade.
    — Il ne s’imagine tout de même pas que Burgoyne arrive les mains vides ? dis-je exaspérée.
    — Non, mais tant qu’il n’est pas sûr à cent pour cent, il estime ne pas avoir à prendre de décision. Jusqu’à présent, aucun de ses éclaireurs ne lui a rapporté d’informations précises.
    Je soupirai et essuyai la sueur sur ma gorge.
    — Je ne peux pas dormir ici, déclarai-je. C’est l’enfer !
    Cela le prit par surprise et le fit rire.
    — Oh, tu peux bien ricaner ! m’énervai-je. Demain, tu dormiras au frais sous une tente.
    La moitié de la garnison devait s’installer dans des tentes devant le fort afin d’être à pied d’œuvre au cas où Burgoyne approcherait.
    Les Britanniques arrivaient. Nous ignorions simplement où ils étaient, combien et l’importance de leur armement.
    C’était ce qu’était allé voir Benjamin Whitcomb. Agé d’une trentaine d’années, c’était un grand maigre au visage grêlé, un des « Long Hunters » comme on les appelait : des hommes capables de survivre des semaines seuls dans les bois. Pouvant se passer de la civilisation, ces êtres n’étaient guère sociables, mais ils étaient précieux. Whitcomb était le meilleur des éclaireurs de St. Clair. Il était parti avec cinq hommes espionner les forces de Burgoyne. J’espérais leur retour avant que la période d’enrôlement de Jamie ne s’achève. Jamie avait autant que moi hâte de décamper mais nous ne pouvions pas partir sans Ian.
    Nous étions sur le palier quand Jamie s’arrêta brusquement et retourna dans la chambre.
    — Qu’as-tu oublié ? demandai-je.
    Il était en train de fouiller dans le petit coffre contenant nos rares habits.
    — Mon kilt. Si je dois aller parler à St. Clair, autant y mettre les formes.
    Je l’aidai à s’habiller, le brossai et tressai ses cheveux. Il n’avait pas de veste convenable mais au moins son linge était-il propre et, même en chemise, il avait fière allure.
    — Je ne t’avais pas vu en kilt depuis des semaines, dis-je en l’admirant. Je suis sûre que le général sera impressionné, même sans une écharpe rose.
    Il déposa un baiser sur mon front.
    — Cela ne servira à rien mais je m’en voudrais de ne pas avoir essayé.
    Je l’accompagnai, traversant le terrain de manœuvres en direction de la maison de St. Clair. Des cumulonimbus se rassemblaient au-dessus du lac, leur masse anthracite se détachait contre le ciel éclatant. Une odeur d’ozone flottait dans l’air. Cela me parut un présage approprié.
     
    Bientôt. Tout disait « bientôt ». Les rapports fragmentaires et les rumeurs qui volaient dans le fort

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