Les fils de la liberté
valait mieux agir immédiatement même s’il ne faisait pas encore tout à fait nuit.
Ian lui agrippa le poignet pour attirer son attention.
— Il faut que ce soit moi qui y aille. Tu veux faire diversion avant ou après ?
— Après.
Il y avait vaguement réfléchi tout le long du chemin et la décision lui vint comme si un autre l’avait prise pour lui.
— Le mieux serait de le sortir de là discrètement. Tente le coup et, si ça tourne mal, crie.
Ian hocha la tête sans un mot et s’éloigna entre les buissons en rampant. La fraîcheur du soir était apaisante après la chaleur du jour mais Jamie avait les mains glacées. Il pressa ses paumes contre le petit pot à feu en terre cuite. Il l’avait porté depuis leur camp, l’alimentant en route de petites brindilles sèches. Il grésilla doucement en consumant un bout de noyer, sa fumée se perdant dans celles des feux de camp qui flottaient entre les arbres, chassant moucherons et moustiques.
Etonné de sa fébrilité (cela ne lui ressemblait guère), il porta la main à son sporran et vérifia que son flacon de térébenthine ne s’était pas débouché tout en sachant que ce n’était pas le cas ; autrement, il l’aurait senti.
En changeant de position, il sentit les flèches bouger dans son carquois, faisant bruire leurs ailerons en plumes. La tente du commandant faisait une cible facile. Si Ian criait, il pourrait y mettre le feu en quelques secondes. Sinon…
Il remua à nouveau en balayant le sol du regard. Ce n’était pas les herbes sèches qui manquaient mais elles brûleraient trop vite. Il voulait une flamme rapide mais grande.
Les soldats avaient déjà quadrillé les environs en quête de petit bois. Il aperçut néanmoins un chicot de sapin trop lourd pour être transporté. Les fourrageurs en avaient cassé les branches les plus basses mais il en restait assez. Elles étaient couvertes d’aiguilles sèches que le vent n’avait pas encore emportées. Il recula lentement jusqu’à pouvoir bouger librement sans être vu puis rassembla des brassées d’herbes sèches, de fragments d’écorce… tout ce qui était inflammable.
Décocher des flèches enflammées sur la tente du commandant attirerait certes l’attention mais déclencherait instantanément l’alerte. Les soldats jailliraient hors du camp tel un essaim de frelons, cherchant les responsables. En revanche, les feux d’herbes sèches étaient courants. Cela créerait une diversion mais, une fois l’incendie éteint, personne n’irait chercher plus loin.
En quelques minutes, tout était prêt. Il avait été tellement absorbé qu’il n’avait pas eu un regard pour son fils. Quand il revint à son poste, William était parti.
Les soldats étaient occupés à manger. Leurs conversations enjouées et les bruits des couverts étouffaient les pas de Ian tandis qu’il contournait la tente de gauche. Si on le voyait, il parlerait en iroquois et se ferait passer pour un des éclaireurs indiens de Burgoyne venu transmettre des informations. Le temps qu’ils le mènent au commandant, il aurait inventé quelques bons renseignements croustillants ou alors il semettrait à crier puis prendrait ses jambes à son cou pendant qu’ils étaient distraits par les flèches enflammées.
Cependant, cela n’aiderait pas Denny Hunter. Il y avait des sentinelles mais, avec oncle Jamie, il les avait observées suffisamment longtemps pour repérer l’angle mort où leur vision était obstruée par les arbres. En outre, il ne pourrait être vu derrière la tente, sauf si un homme se dirigeait vers la forêt pour se soulager et tombait sur lui.
Il y avait une ouverture au bas de la tente et, à l’intérieur, une chandelle brûlait. Dans le halo de lumière rien ne bougeait.
Ian se coucha à plat ventre et glissa une main dans l’ouverture, espérant que personne ne la piétinerait. S’il trouvait un lit de camp, il pourrait se faufiler à l’intérieur et se cacher dessous. Si… Quelque chose toucha sa main et il se mordit la langue.
— Es-tu un ami ? chuchota la voix de Denny.
En relevant les yeux, Ian vit l’ombre du quaker se dessiner sur la toile, une vague forme accroupie.
— Oui, Denny, c’est moi, murmura-t-il en retour. Ne faites pas de bruit et reculez.
Denny se déplaça dans un cliquetis métallique. Fichtre, ces bougres l’avaient enchaîné. Ian serra les dents et passa la tête à l’intérieur. Denny l’accueillit silencieusement, ses traits
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