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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pourtour. Par Lecaudey, Lesaunier apprit que le baron, rappelé à la Cour, s’était rendu à Paris en grand bobant [213] . Il était hourdé [214] de la plupart de ses satellites et de ses deux clercs.
    Ogier consulta Bressolles : il avait composé suffisamment de poudre noire pour ouvrir une brèche dans les murs du manoir tout en boutant le feu partout. Le maçon le dissuada d’employer ce moyen de vengeance :
    — Ce n’est pas à des pierres qu’il faut vous en prendre, mais à des hommes.
    Ogier faillit céder à cette fureur qui, depuis son retour à Gratot, grondait en lui sans trêve.
    — C’est vous, Girbert, qui me fournissez ce conseil !
    — Je ne vous fournis rien… Si vous embrasez cette demeure, ceux auxquels Blainville en a confié la garde seront aussitôt sous les murs de Gratot. Et nous sommes toujours bien peu pour les repousser. Croyez-moi : continuez à vous préparer en vue de ce tournoi, et priez pour que les juges vous y agréent.
    — J’en serai !… Il le faut… Et puisque vous m’y incitez : voulez-vous me compagner à Chauvigny ?
    Le maçon hocha la tête en ébauchant un sourire :
    — Je dois aller au Mont Saint-Michel… quand Raymond reviendra, je partirai.
    — N’êtes-vous pas heureux parmi nous ?
    Ogier se sentait oppressé. Des sentiments gris et froids affluaient en son cœur. Ce fut une émotion brève, violente, un chagrin pareil à celui qu’il eût éprouvé s’il avait vu le maçon s’évaporer soudain, sans espoir de le retrouver jamais.
    — Heureux ?… Oui, Ogier. Mais je ne suis qu’un pèlerin… J’ai envie d’échapper aux fureurs des hommes… Envie d’apprendre aussi comment on construit les nefs de pierre et les grandes ogives… Comment la force et la dureté des matières en équilibre aboutissent à ces beautés solides et souveraines.
    — Vous savez cela !
    — On ne sait jamais tout. J’ai besoin d’édifier aussi mes connaissances…
    — Allons, Girbert ! Votre humilité, je la comprends ailleurs, excepté en ce domaine.
    — Et surtout, continua Bressolles, soucieux, j’aspire à me recueillir. Et quoi de mieux, pour moi, que cet îlot où Dieu, sans arrêt, est assailli par Neptune ?
    — Y resterez-vous ?
    — J’en repartirai quand j’aurai vu, appris… Un jour, je reviendrai à Foix ou à proximité. Je retrouverai Sicart de Lordat s’il est toujours en ce monde.
    Le visage de Bressolles, aux traits marqués, robustes, prit une finesse, une bénignité dont Ogier fut bouleversé.
    — Allons, mon ami, pourquoi cette tristesse ? Peut-être un jour passerez-vous par Foix, Lavelanet, Montségur… Quand la mort s’annoncera, je partirai pour ce pays… Si je l’atteins, j’y resterai en attendant la Délivrance… Je n’ai plus aucun lien, vous le savez, à Arques et à Carcassonne… Alors, pourquoi y reviendrais-je ?
    — Vous avez trente ans et vous me parlez de mourir !
    De nouveau, Bressolles eut ce sourire las et léger, intraduisible, qui déconcertait ses familiers sauf peut-être Adelis.
    — La mort… Je n’en ai nulle inquiétude. Ce qui me contriste, c’est notre amie…
    « Voilà, se dit Ogier, que nous pensons à elle ouniement [215] . Pourquoi ? »
    Existait-il une réponse ?
    — Veillerez-vous sur elle comme…
    — Comme sur une sœur, Girbert. Vous avez ma promesse.
    Ogier mentait si effrontément qu’il rougit. Bressolles eut un geste mou – comme une bénédiction – et s’éloigna de son pas mesuré, jetant au passage un regard sur les tombes. Comme Péronne et Saladin l’entouraient, il se mit à leur parler, à leur sourire, tout en les flattant d’une main vive – une main qui jamais, peut-être, n’avait attouché une femme.
     
    *
     
    Le jeudi 13, au commencement de l’après-midi, Gosselin souffla dans son olifant puis dévala l’escalier de la Tour de la Fée en hurlant :
    — Ohé ! Ohé ! Abaissez le pont… Voilà deux des nôtres… C’étaient Asselin et Jourden.
    — Eh, dites, vous avez pris votre temps ! s’exclama Lesaunier lorsqu’ils eurent mis pied à terre.
    — Si tu savais ! dit Asselin.
    Puis, tourné vers Godefroy d’Argouges et son fils :
    — Nous avons chevauché de nuit… Nous nous sommes perdus. Il y avait des Goddons un peu partout… soudoyers et routiers…
    Ils étaient accablés et fourbus.
    — Et Montfort ? dit Ogier. Comment est-il ?
    — Quand nous l’avons quitté, il allait

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