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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mieux.
    — Les Bretons sont malheureux, dit Jourden. Les Goddons sont à l’aise… Ce qu’ils laissent après leur passage, les Charlots s’en emparent.
    — C’est la misère, et nous doutons que Charles de Blois et sa femme y remédient.
    — Quant à Montfort, croyez-moi, il vous conserve en son cœur.
    — Fort bien, dit Godefroy d’Argouges. Nous allons nous occuper de vos chevaux… Allez vous laver, puis venez nous rejoindre à table… Vous tombez à point : cette nuit, Aguiton et Gosselin ont rapporté un chevreuil.
    Le 23, jour de la Saint-Séverin, Raymond, Courteille et Desfeux se présentèrent devant le pont-levis. Le soir tombait et Barbet, dont c’était le tour de guet, ne les avait pas reconnus.
    — Alors quoi ? hurla Raymond. On n’ouvre pas aux amis ?
    Ogier grimpa jusqu’à la machinerie et mit le treuil en mouvement.
    Raymond ! Il se réjouissait de ce retour, « comme si ce grand barbu était mon parent », songea-t-il en aidant le sergent épuisé à mettre pied à terre.
    — Eh bien, compères, vous semblez hodés [216] , dit Godefroy d’Argouges, inquiet et avide d’être instruit des événements de Bretagne.
    Leur mine était piteuse, leurs habits fangeux et leurs montures, elles aussi, n’en pouvaient mais. Une nuit, raconta Raymond, alors qu’ils venaient de dépasser Fougères, ils avaient dû soutenir l’assaut de quatre larrons. Ils en avaient occis trois.
    — Leur chef à tête de crapaud a pris la fuite.
    — C’étaient des Bretons, dit Courteille, mais on n’a pas pu savoir de quel bord. J’en ai estoqué un !
    Il s’exprimait si fièrement qu’Ogier se dit qu’il ferait un bon homme d’armes. Et tandis que Raymond abandonnait son Marcepin à Bressolles, qui s’empressait de le desseller, Desfeux déclara sans ambages :
    — Montfort est mort.
    — Mort ? s’écria Godefroy d’Argouges.
    — Par Dieu, oui, messire. Il aurait mieux fait de demeurer céans : il vivrait peut-être encore.
    Furieux qu’un bec-jaune l’eût devancé pour annoncer ce trépas, Raymond rabroua Desfeux, le poussant même contre la muraille de l’étable sans qu’il se récriât contre ce traitement.
    — Une mort pas franche.
    L’espace d’un soupir, Ogier revit les traits effleurés [217] de Montfort, ses expressions allant de l’espérance à la fureur, l’éclat de son regard dévoré de fièvre et d’ambition.
    — Il avait bien supporté le voyage, continuait Raymond. Parfois, il riait, surtout quand on s’est enfoncés en Bretagne. Il en connaissait toutes les ruettes [218] et les chemins creux. Hein, les gars ?
    Courteille et Desfeux acquiescèrent. Plus que leur compagnon, toujours hirsute, ils avaient le visage tanné sous leur duvet juvénile. Des gouttes de sueur emperlaient leurs sourcils, au ras de la barbute. Ce n’était pourtant pas qu’il fît chaud : le plaisir du retour les échauffait. La longue chevauchée, les menaces latentes et une escarmouche en avaient fait des guerriers. Ils allaient, sans doute, se montrer plus hardis envers les femmes.
    — Les plaies de Montfort se sont-elles envenimées ? Est-il mort avant d’atteindre sa bonne ville Parlez !
    La hâte de savoir possédait Ogier. Portant ses mains à son cou, il fut heureux d’y sentir le précieux parchemin.
    — À notre avis, dit Raymond, ses plaies sont hors de cause, car il allait mieux quand les gens d’Hennebont nous accueillirent. Autant vous dire qu’ils l’attendaient depuis des semaines. C’est du moins ce qu’on a pensé tous trois. Nous sommes arrivés le jeudi 22 [219] et nous avons été conjouis comme… des rois mages. Le comte m’a fait présent du haubert et du chapel de fer que Marcepin porte à sa selle. Courteille et Desfeux ont eu des haubergeons et des barbutes… En plus, chacun de nous a reçu une épée de bon acier poitevin… Puis Montfort nous a proposé d’entrer à son service…
    Raymond eut un geste sec, comme si sa fierté, l’essence même de sa nature, sa probité et sa loyauté s’étaient cabrées à l’énoncé de cette offre.
    — On a refusé… Tout alla pourtant bien… Les gens d’Hennebont…
    — Ah ! eux, coupa Courteille, ils n’étaient guère à l’aise. Un mal les tourmentait. Ils l’appelaient le feu de Saint-Antoine… Ceux qui s’en trouvaient atteints devaient courir dix ou vingt fois par jour aux latrines [220] et certains étaient si mal quand ça les prenait dans la rue que, ma

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