Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
foi, ils cherchaient vélocement des recoins pour soulever leur robe ou abaisser leurs braies !
    — Oui, approuva Desfeux, en riant. Hennebont empunaisait la merde !
    Malgré ses joues envahies d’une friche blonde, il avait conservé un regard enfantin. Tourné vers Raymond, il l’incita à poursuivre :
    — Le dimanche, un régal [221] réunit les gens de Montfort… Bien sûr, il ne pouvait y avoir ni son épouse ni son fils, puisqu’ils sont en Angleterre. Mais on a compté trois évêques, trente écuyers et chevaliers bretons et anglais dont je n’ai pu retenir les noms, et moult agréables donzelles. Et puis, messire Ogier, il y avait Guy de Passac… Lui, je crois que vous le connaissez de renommée !
    — Passac, répéta Ogier d’une voix altérée.
    — Eh oui… Il était là avec sa femme, Blanche… Sa beauté dépasse tout…
    — C’est ce qu’on m’a dit.
    Soudain, Tancrède réoccupa la mémoire du jeune homme. Elle admirait ce couple. Elle admirait Blanche dont elle était…
    — En vérité, dit Courteille, l’épouse de Passac est belle comme… comme…
    Ne trouvant aucune comparaison satisfaisante, il dit tout bonnement :
    — Faut la voir !
    Ce qu’Ogier avait toujours supposé sur la disparition de ce couple se confirmait : les Passac n’avaient pas péri dans l’incendie de leur bastille, sise non loin du couvent de Lubersac où Tancrède avait vécu son adolescence : ils s’étaient ralliés aux Anglais. Tandis que son père et Jourden dessellaient les deux autres roncins, il demanda, baissant la voix :
    — Dis, Raymond, as-tu vu ma cousine ?
    — Ni elle, ni Briatexte, ni Hervé.
    Une sorte d’excitation s’empara de l’homme d’armes :
    — Passac et sa dame s’en iront aux prochaines Pâques à Chauvigny, si j’ai bien compris… Un grand pardon d’armes y aura lieu.
    — Je le savais par Montfort… Il est bon que tu me le confirmes…
    — Reviens au fait, Raymond, pria Courteille. Dans notre hâte à tout vous dire, faut pas oublier que Montfort est mort le lundi, au lendemain du banquet [222] … Je crois pas que les coliques soient cause de son trépas… Nous les avons eues tous les trois, et si pendant deux jours elles nous ont amoindris, nous vivons !
    — Alors ? demanda Godefroy d’Argouges.
    — On croit – et on n’est pas les seuls, hein, Raymond ? – qu’il a été empoisonné.
    Ogier dévisagea son père. Ce qu’il trouva dans ses traits et son regard fut une infinie pitié.
    — Par qui ? Et pourquoi ? Qu’avez-vous su quand il a trépassé ? Les gens étaient-ils accablés ?
    Courteille caressa la joue de son cheval :
    — Des pleurs partout, messire… Le mardi, après la mise en bière, j’ai rencontré sur mon chemin une des chambrières de Blanche de Passac. Elle m’a dit que ce pouvait être l’atteinte d’un compagnon d’Hervé de Léon pour venger sa mort [223] .
    — Cet homme fut ni plus ni moins un traître à la cause des Montfort. Il devait lui rester peu d’amis de son vivant et aucun dès son trépas.
    — C’est vrai, messire, approuva Raymond. Ce pourrait être aussi, dit-on là-bas, Jaquelin de Kergœt, le frère de cet Yvon que nous avons enterré ici… On disait ce Jaquelin très épris de Jeanne, l’épouse du comte. Il s’est opposé, paraît-il, à ce qu’elle et son fils partent pour l’Angleterre.
    — Je ne sais qu’en penser. Ce Kergœt se trouvait-il à Hennebont ?
    — Non. Il guerroie avec les Goddons.
    Godefroy d’Argouges se tourna vers son fils :
    — S’il y eut poison, c’est peut-être quelqu’un du parti de Blois qui l’aura versé. Il se peut que le Charlot n’ignore rien du complot de Chauvigny… Et Philippe VI doit en être instruit.
    — Il se peut, Père. Mais même si le roi est averti qu’une machination se prépare, Blainville est près de lui pour s’ébaudir de ces affirmations et les réduire à des gailles [224] … avant que de faire occire, par Ramonnet ou un autre, le dénonciateur.
    Raymond eut une moue dubitative. Aude et Champartel, attentifs, s’approchèrent. D’où venaient-ils ? De quel coin d’ombre ?
    — Vous saurez tout, messire, à Chauvigny.
    — Il te faudra, Thierry, ouvrir tes yeux et tes oreilles !
    Ogier surprit le regard anxieux dont sa sœur enveloppait l’écuyer. Elle allait disposer de quelques semaines de solitude pour approfondir le sentiment qu’elle lui portait.
    — Soyez quiète, Aude…

Weitere Kostenlose Bücher