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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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repentir m’appartient. J’ai péché par orgueil et m’en trouve puni !
    Conscientes de gêner, les commères s’éloignaient. Adelis demeura, tenant Marchegai par la bride. Et Aude, pâle, angoissée : cette victoire de son soupirant, le vieillard pouvait la ressentir comme un affront et s’en venger en ruinant leurs desseins.
    Ogier revint à ce visage bourrelé de rides, durci par une détresse plus cuisante qu’une blessure. « Manquait plus que ça ! » Le vieux vaincu vacilla.
    — Non, ne me soutiens pas.
    C’était le ton recouvré ; celui du commandement, claquant comme une bannière éployée. Mais c’était un vaincu qui s’exprimait ainsi.
    — Misère de moi ! Ma main, mon bras m’ont trahi… Et je le dominais !
    Des sanglots roulèrent dans cette gorge maigre, couenneuse, qu’Ogier dégagea des mailles poissées de sueur :
    — Vous auriez dû savoir, Père, que tant qu’on heurte les lames, on est à la merci de l’autre et de soi-même : l’esprit est vigoureux ? Le corps défaille. Ou inversement. Tant qu’il n’est pas rompu, taillé, griévé, l’autre peut vous occire ! Et puis, c’était un jeu…
    Une pudeur douloureuse le retint d’ajouter : « Thierry reculait par finesse et respect… pour ne pas vous indisposer à son égard. Et comme il advient en ces sortes d’affaires, le geste a devancé les bonnes intentions. » À quoi bon essayer d’étancher cette plaie ! Elle saignait trop et saignerait longtemps.
    Sondant les yeux du vieillard et y voyant briller des larmes, il s’emporta :
    — Sang-Dieu, Père, retenez-vous !… C’était un je parti [212] , vous dis-je ! Vous n’y aviez engagé ni votre honneur ni votre vaillance, mais votre vieux savoir et ce bras dont je ne m’étonne point qu’il ait faibli après cinq ans de disette et d’oisiveté dans le métier des armes… Si votre vie avait dépendu de cet affrontement, alors, j’en suis sûr : c’est un vent mortel que Thierry aurait senti sur sa tête !
    Mentir lui était désagréable. Mais que faire d’autre ? Et puis, dans l’inventaire des péchés véniels, il en avait commis de pires.
    — Allons, mon fils, ne me prends pas en plus pour un niais. Le vent de mort, c’est moi qui le sens sur ma tête !
    Ils s’avisèrent alors de l’écuyer, rouge et suant, mécontent de lui et craignant, comme Aude, que son emportement ne fût préjudiciable à ses amours. Pressentant cette anxiété, Godefroy d’Argouges le saisit aux épaules :
    — Sache bien, Champartel, que je ne te garde pas rancune. Tu as agi comme il fallait. Et, par Dieu, tu sais te battre !… C’est à moi que j’en veux. À ce cœur racorni. À ce bras vermoulu… À ces doigts impuissants à poigner une lame !
    Aude n’osait s’approcher. Adelis la rassurait à voix basse tandis que Marchegai grattait le sol et encensait.
    — Père, Thierry vient de vous prouver qu’il sait retenir et appliquer vos conseils.
    — L’expérience n’est rien lorsque le muscle défaille. Je m’étais bien battu, l’autre jour, face aux truands…
    « Parce que vous défendiez votre vie, songea Ogier.
    Vous étiez pareil au sanglier qu’on assaille : la peur plus que l’orgueil soutenait votre ardeur. »
    — Je suis puni de ma présomption !… Thierry, prends donc ce heaume : tu le mérites. Et toi, mon fils, cesse d’avoir cet air affligé. Si tu m’as en pitié, sache que tu aggraves ma déconvenue.
    Ogier se confina dans un silence lourd. Ce qu’il éprouvait, c’était de la sollicitude. Pressentant au réveil les inconvénients de cette aventure, il avait été tenté d’inciter le vieillard à y renoncer. Mais c’eût été anéantir la joie qu’il avait surprise dans son regard tandis qu’il s’adoubait pour rejoindre Thierry. Il inspira un bon coup l’air humide de cette journée commençante.
    — Et moi, Godefroy d’Argouges, moi qui vous apprenais à porter et déjouer les coups ! Ex ungue leonem, hein, mon fils ?… Le lion à la griffe !… Un lion diffamé, voilà ce que tu vois !… Je suis dorénavant indigne de mes armes !
    Et chancelant, le dos voûté, Godefroy d’Argouges marcha vers la grange vide, sans doute pour s’y lamenter à son aise.

V
    Octobre roux, ensoleillé, se poursuivit. À deux reprises, avant l’aube, Ogier et Champartel s’approchèrent du châtelet de Blainville et trouvèrent singulière l’absence d’animation dans son enceinte et son

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