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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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moi…
    Fermant les yeux, Ogier laissa ses oreilles s’emplir du bruit de l’eau mouvante. Adelis se dégagea de son étreinte pour s’éloigner vers les dunes ; il l’eut vite rejointe et la reprenant contre lui sans qu’elle ne se défendît plus :
    — Pardonnez-moi.
    Remontant vers le sien le visage de la jeune femme dont il serrait le petit menton ferme, il lut dans ses yeux une tristesse, une langueur confondantes.
    — Vous êtes belle… si belle…
    Sa voix lui parut s’être étranglée. Il haletait à l’idée d’avoir rompu un charme et pourtant tout, autour d’eux, restait irréel : cette sensualité qui montait des attouchements des flots sur le rivage ; ces lents, doucereux coups de langue des vagues bouillonnantes autour des quelques rochers dressés çà et là ; ces échanges voluptueux jusque sous leurs pieds mêmes où, dans de lents frissons d’écume, l’eau et le sol s’épousaient.
    — Laissez-moi, messire.
    Il obéit. Adelis s’éloigna ; il la vit reprendre ses sandales.
    — Ne partez pas ainsi ! protesta-t-il sur le ton de la supplication. Je me repens… et ne vous toucherai plus !
    Contrairement à ce qu’il craignait, il la vit jeter ses sandales vers un buisson et soudain, avec la plus tranquille innocence, enlever sa robe, son jupon, sa camisole, et nue, après l’avoir contourné de loin, courir vers la mer pour s’y jeter, s’y allonger, s’en couvrir.
    Jamais il n’aurait pu prévoir qu’elle agirait ainsi, ni qu’elle serait si belle, si tentante sous les feux blafards de la lune. L’onde bruissante la couvrait de sa soie flexueuse, s’éclaircissait aux rondeurs de son corps, accrochait ses perles sur sa chair, ses cheveux, ses toisons tout en lui creusant un lit à ses formes. Elle se vêtait de diaprures et de dentelles fondantes, roulait obliquement avec un petit rire moins dû à la fraîcheur saisissante des flots qu’au plaisir de se livrer sans crainte. Elle passait ses mains vives sur ses épaules, ses seins, ses flancs ; parfois, levant une jambe, elle en frappait une vaguelette puis se roulait, se vitulait, incrustant dans sa chair de longs pans de grains de sable.
    Et elle riait fort maintenant, éclaboussée de clartés tressautantes, fermant les yeux sans doute, ouvrant son corps, grisée, offerte à toutes ces mains liquides, soulevant des varechs du bout de ses orteils, insoucieuse d’être observée par un mâle qu’elle croyait avoir dompté.
    Ogier tremblait, picoté de chair de poule, et pourtant, plutôt que de les éteindre, toute la fraîcheur de cette nuit singulière avivait les brûlures de son désir. Adelis s’enfonçait dans l’eau ? Il s’enfonçait dans sa passion jusqu’au ventre. La rejoindre !. Il ne l’avait laissée que trop longtemps seule… L’étreindre là, dans ces vastes draperies fluides, fripées de vent, ourlées d’hermine, aussi moelleuses que les plus subtils duvets… Pourtant, il ne se sentait pas le droit d’interrompre ces jeux, ces solas, cette jouissance de sirène ou mieux : ce baptême païen. Il voyait les seins dardés, petits et durs, l’écusson tendre et fugace emperlé, caché, emperlé encore pour une fête où il voulait obtenir de bon gré sa part ; il voyait remuer comme des algues d’or, les longs cheveux enluminés.
    Et soudain tout cessa. Adelis demeura immobile dans un naufrage d’une volupté nouvelle, rassasiée d’eau et de mouvements.
    C’en était trop : se dénudant promptement, Ogier jeta ses habits sur ceux de la jeune femme et courut la rejoindre.
    — Ne vous voyant plus remuer, j’ai cru…
    — Que j’étais morte ?
    Il s’était attendu à quelque geste de pudeur surprise ; il n’en fut rien ou presque. Adelis s’assit, replia les jambes et, penchée en avant les maintint serrées entre ses bras, les mains verrouillées devant ses genoux. Ainsi, il la voyait à peine. Elle souriait, et c’était lui qui se sentait nu ! C’était lui dont le sang flambait et dont le corps n’était que tremblements et raideurs. Il s’accroupit. Elle demanda :
    — Si je mourais, vous qui m’aimez un peu, me pleureriez-vous ?
    — Oui… Par ma foi, oui, dit-il, enroué de confusion. Mais vous vivrez longtemps, m’amie… Vous goûtez à peine aux charmes de la vie. Aussi vrai que j’ai nom Ogier, des jours délicieux vous attendent.
    À leurs pieds, l’eau lançait ses lambeaux sur le sable. Toutes les idées qu’il s’était faites

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