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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et Ève avant la fuite du Paradis.
    Elle se leva, indifférente à sa nudité. Pas lui ! Sous sa peau couvaient des braises. Ces seins… ce ventre tacheté de sombre… Comment, si nette, pouvait-elle croire à son impureté ? Tout cela appartenait à une autre vie, à une autre Adelis. Elle n’avait pas un regard pour son corps, à lui. Tant mieux ! Il avançait lourd et gonflé, frissonnant, les doigts d’Adelis crochetés aux siens ; et soudain, il s’immobilisa :
    — On vient !… Oyez, Adelis… On vient… des chevaux…
    Ils coururent jusqu’à leurs vêtements et se jetèrent sur le sable, hanche à hanche, le souffle bref, la tête légèrement soulevée afin de mieux entendre le clapotement feutré des sabots sur les dunes. Le garçon toucha de ses lèvres une pommette et des cheveux glacés :
    — Ils sont six ou sept.
    Un cavalier sifflait ; un autre chanta dans une langue qu’Ogier reconnut – l’espagnol :
    Don Alfonso hacia Toledo quería volverse ya, Pero el Cid aquella noche no quiere el Tajo pasar [231] …
    —  La truandaille de Blainville !… Ne bougez surtout pas, Adelis !
    Quelques herbes frémissaient devant leurs visages. Le vent léchant leur peau, il semblait que les frissons de l’un se transmettaient à l’autre. Comme elle se soulevait pour essayer de voir, Ogier appuya sa main entre les épaules d’Adelis, le coude touchant ses reins, l’avant-bras imprégné de cette fraîcheur de nymphe, imaginant ses seins, son ventre épousant à s’en faire mal le sable sur lequel elle s’était échouée.
    Elle ne bougeait pas, les cheveux collés à l’épaule, la joue posée sur le dessus de sa main, « les yeux dans les miens ». Il y voyait de l’angoisse. Il voyait aussi, sur ce visage clair, le froncement des sourcils, la bouche entre-close ; la goutte d’eau nacrée suspendue à l’oreille. Il avait oublié ce que cette fille lui avait reproché. Son cœur s’exaltait toujours mais il ne savait si c’était à cause des intrus ou du désir qui le ressaisissait d’embrasser Adelis. N’importe, il éprouvait de plus en plus malaisément, des épaules aux genoux, le grenu du sable.
    Il ne cherchait plus à voir les Navarrais. Insoucieux du regard qui l’observait, il guignait ce dos laiteux, lunaire, tentateur. Il ne savait ce qu’Adelis pensait de son geste, ni pourquoi, soudain, elle le tolérait. Elle tremblait davantage sans qu’il pût deviner si c’était de froid, de peur ou du contact d’une main sur son corps. Il s’était attendu qu’elle se dégageât, et ce n’était pas une mince surprise qu’elle fût ou parût consentante.
    — Bougez pas… Ils approchent… Ils passeront non loin de nous… au-dessus.
    Sa main s’était faite de plomb ; son épaule commençait à s’engourdir. Il entendit un homme rire… rire comme s’il les découvrait… Attendre… Quand ils seraient passés, il saisirait Adelis à bras-le-corps ; ils rouleraient, glisseraient ensemble jusqu’à cette eau toute proche pour ajouter à leurs délices, les joies d’il ne savait quel rite lustral.
    « Que ces maudits se hâtent de passer ! »
    Il ne cessait d’épier à travers les herbes frissonnantes, sollicité par ce corps vibrant, ruisselant de clartés, et ces fantômes à cheval, apparus enfin, quelques toises au-dessus d’eux, lents, processionnaires. Ils étaient six, coiffés, vêtus de mailles ; ils riaient maintenant ; ils venaient de Blainville et se dirigeaient vers la pointe d’Agon.
    — Ne bougez surtout plus !
    Adelis, cependant se redressa, prit appui sur ses coudes et, afin de mieux observer les importuns, se tourna sur le flanc, offrant au garçon tout l’avers de son corps.
    — Ils passent.
    La main d’Ogier glissa jusqu’au creux de l’épaule sans qu’Adelis se rebellât. Elle continuait de regarder les hommes. Un pli mauvais serrait ses lèvres ; elle frissonna quand un cheval hennit.
    — Ils sont passés sans nous voir.
    Le sourire était celui du contentement ; Ogier y posa sa bouche. Ce fut un frôlement suave, exquisément.
    Il s’était mis sur le flanc ; il avait approché sa poitrine de cette poitrine pâle, enchapelurée de sable et enrichie de deux grains d’ombre. Il s’était poussé en avant pour atteindre ce ventre devant lequel, soudain, la petite main blanche se posait.
    — Avez-vous toujours peur, Adelis ?
    — D’eux ou de vous ?
    Il la baisa doucement, ardemment, jusqu’à sentir

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