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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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se mouiller les pieds et les bas-de-chausses. La mer, il la connaissait, et ce n’était pas l’envie de la pénétrer qui, pour le moment, le tenaillait. Il était sensible à la joie d’Adelis ; à sa découverte d’un rivage si paisible qu’elle semblait vouloir y demeurer afin de se perdre dans ses plis neigeux et ses luxuriances noires. Tout cette nuit, pour elle, était neuf, exaltant. Les frémissements liquides, les soupirs presque humains du sable qui s’abreuvait, les souffles inégaux d’un vent dru, composaient sur ce coin de sol doré une musique ténébreuse, inconnue d’elle. Avec une sorte d’incertitude heureuse, le goût d’un plaisir neuf et l’allégresse d’échapper aux servitudes terrestres, elle avançait.
    « Après tout, se dit-il, pourquoi pas ? »
    Il quitta ses vieilles heuses trouées et ses bas-de-chausses. Il trouva également l’eau tiède en avançant à la rencontre de la jeune femme.
    — N’est-ce pas qu’elle est douce ?
    À propos de la mer, c’était une bien étrange remarque. Il constata, non sans plaisir, qu’Adelis avait abrogé le messire.
    Elle le regardait s’approcher sans souci qu’il vît ses cuisses. Elle souriait toujours ; lui, non. Son cœur battait et son regard s’attardait sur les belles jambes découvertes plus volontiers que sur ce visage indécis, gourmand d’espace. Lui, Argouges, c’était un appétit d’elle qui lui venait et revenait, lancinant comme la mer. Une gourmandise chaude et pure.
    — Comme on est bien !
    — Oui, Adelis.
    Il la considérait avec une insistance accrue dont elle semblait insoucieuse. Il avait besoin de se persuader qu’elle était bien là, rieuse, dénudée d’un bon tiers, et qu’il ne l’inquiétait point. Il s’emplissait l’esprit de cette certitude incroyable : « Nous deux seuls ici, loin de Gratot… Loin de tout… » Et les constellations devenant soudain ses complices, il pouvait jouir de l’expression ravie de cette bouche claire ; il pouvait remarquer combien ce cou laiteux avait de délicatesse, et combien cette gorge…
    — Adelis…
    — Ah ! non, bas les pattes.
    Elle regardait ces mains importunes, ne pouvant évidemment comprendre quel désir les avait poussées, possessives et sensibles, sur ses épaules. Il y porta les yeux à son tour, et tandis qu’Adelis s’éloignait à petits clapotis, il éprouva de nouveau dans tout son être une pesanteur d’échec.
    Elle se retourna, volte brusque, si brusque qu’elle faillit choir dans les vagues.
    — Pardonnez-moi. Vous me donnez une grande joie et je vous traite comme…
    Sa voix se pénétrait d’une douceur nouvelle. Elle sembla lutter contre elle-même et brusquement, lâchant sa robe, elle se mit à sangloter en revenant vers le rivage.
    — Adelis !… Adelis !… Ne partez pas !
    Qu’elle le voulût ou non, il la prit dans ses bras. Et c’était délicieux de l’envelopper ainsi, secouée de sanglots et comme repentante. C’était agréable de sentir ses hanches contre ses paumes et de les imprégner de cette tiédeur de femme ; c’était doux d’avoir ses narines chatouillées par des cheveux indociles ; d’avoir contre le sien son cou mouillé de larmes.
    — C’est trop pour moi, voilà… Mais je ne puis consentir à ce qui vous tourmente… Pour moi, d’où qu’elle vienne, la bonté n’est que fausseté… Votre désir de moi est pareil aux autres, quoique vous vous en défendiez…
    Voilà ce dont il était capable une nuit pareille : arracher des larmes à cette compagne, à cette amie , au bon milieu de son plaisir de vivre !… Des hommes l’avaient possédée. Combien ? Peu importait. Ce qui prédominait dans cette déception qu’il avait bien cherchée, c’était que tous ces mâles avaient laissé en Adelis tant de mépris et de haine qu’il s’en trouvait éclaboussé.
    — C’est vrai, dit-il, repentant, pour cela, je ne vaux peut-être pas mieux que les autres. Et je ne sais qu’ajouter, sinon que vous me troublez… Oui, vous me triboulez ! Et si je veux être d’une sincérité que vous ne pourrez mettre en doute, cela remonte à l’invasion de Saint-Rémy… Quand je vous ai vue toute seule, prête à devenir la proie des truands de Knolles, j’ai eu pour vous, que vous me croyiez ou non, un sentiment qui dépassait la compassion… un désir de vous protéger pour vous réhabiliter… C’était – comment dire ? – c’était plus fort que

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