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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’incertitude courbait les fronts. Trouveraient-ils enfin le gîte et le couvert ?
    — Prenons garde, dit Thierry. Il y a eu un bruit devant nous.
    — Tu vois bien que j’avais raison !… C’est de là-bas que ça vient.
    Là - bas, les ténèbres blêmissaient. Était-ce le commencement d’une clairière ? D’une plaine ? Ogier devint plus attentif. Dans l’espèce d’équivoque où ils erraient depuis Poitiers, il lui sembla que les insondables frondaisons distillaient soudain du malheur.
    « Nous sommes captifs de cette forêt… Allons-nous enfin nous en délivrer ? »
    Une lueur dansa, droit devant. Il cilla et retint Marchegai :
    — Une torche… Méfions-nous.
    La clarté remua, tressauta. Un chemin passait-il à proximité ? Cette flamme guidait-elle une procession ? De quelle espèce ?… Non : elle s’immobilisait.
    — Nous avons jusqu’ici chevauché sans dommage. Au point que je me disais…
    — Tais-toi, Champartel… Taisez-vous… Ils sont à cent pas…
    — Et il y a deux lumières, dit Raymond dans un souffle. L’une remue, l’autre… Ah ! si elle se met à remuer aussi !
    — Pied à terre.
    Quand ses compagnons l’eurent imité, Ogier dégaina Confiance.
    — Ce ne sont pas des chevaliers qui cantonnent, chuchota Thierry. Il n’y a ni voix ni rires ni senteur de viande embrochée… Mais on dirait qu’on creuse le sol.
    — Adelis, tenez les chevaux… Qu’ils soient quiets !
    Quand les brides furent réunies dans les mains de la jeune femme, Champartel se plaça à la dextre d’Ogier, Raymond à sa senestre ; Saladin se coula devant eux.
    — Voyez, dit l’homme d’armes.
    Entre les fûts gluants et serrés, une flamme clignotait ; une autre tressautait, allant parfois à sa rencontre. La perplexité d’Ogier s’aggrava :
    — Avançons… Pas un bruit… Va, Saladin.
    Ils s’engagèrent dans une sente abrupte et duméteuse, furieux d’être griffés jusqu’aux hanches. Le chien flairait l’odeur des flammes vigoureuses et n’osait trop avancer. L’instable et troublante clarté accroissait la pesanteur de ce plafond bas, écaillé de feuilles neuves et d’où l’eau tombait par quelques lézardes… Dix toises… Cinq… Trois…
    Ogier écarta une branche, un rameau, puis se figea.
    Il y avait là quatre hommes vêtus de cuiries noires. L’un d’eux, trapu, nerveux, les mains jointes dans le dos, allait à petits pas, s’arrêtait, tapait le sol du pied, puis repartait. Deux autres tenaient chacun un flambeau tandis que le quatrième, à coups de bêche rapides, creusait la terre. Ogier ne vit que son buste émergeant de l’excavation.
    — Messire, chuchota Thierry, incertain sur la conduite à prendre, vont-ils enfouir un coffre ou en déterrer un ? Ils n’ont pas emporté ce louchet [238] pour planter des fleurs.
    Ils entendaient les ahans du fossoyeur, le bruit sec du tranchant de l’outil heurtant une racine ou un caillou. Raymond se pencha, la main sur l’échine de Saladin.
    — Ils ont une épée, sauf l’homme qui creuse, mais c’est comme s’il maniait une arme.
    Il y eut un sanglot ou un cri étouffé. Le flamboiement d’une des torches nettoya un pan d’ombre, et ce qu’ Ogier vit le secoua de la tête aux pieds :
    — Agar [239] , les gars !
    Brune, jeune et blafarde, vêtue d’une robe verte par-dessus laquelle tombait un manteau sombre, une femme était liée à un arbre.
    — Ils préparent sa tombe, messire.
    — Des routiers ? demanda Thierry.
    — Ils ne sont que quatre… Plutôt des truands de passage…
    — On la délivre ?
    — Nous allons essayer, Raymond. Mais avions-nous besoin de ça ?
    Une rafale cingla la feuillée. Ogier reçut une volée de gouttes en plein visage. Il entendit des froissements : ses compagnons se préparaient.
    — Je croyais que la truandaille était surtout parisienne et qu’elle bougeait à peine…
    — Elle bouge, au contraire, messire. Rien ne remue plus que la pendaille.
    Écartant les pans de son manteau, Adelis montra sa main armée du poignard qu’elle avait choisi au râtelier d’armes de Gratot. Elle continua :
    — Les Malingreux vont en pèlerinage à Saint-Méen, en Bretagne. Les Hubins vont à Saint-Hubert… Ces quatre-là sont coiffés de chaperons plats : ce ne sont ni des matois ni des mercelots, de ces gens qu’on dit de petite flambe… Je ne sais à qui vous avez affaire… Peut-être des routiers, tout

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