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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Adelis.
    Aussitôt, le sergent réintégra l’ombre d’un contrefort, mais Ogier avait eu le temps de se sentir enveloppé d’un regard étrange : courroucé.
    « Serait-il jaloux ? Non : il ne peut l’être… Pas lui ! »
    Il s’approcha de son vassal lige :
    — Va donc réveiller Thierry. Préparez-vous… Nous partons dès que possible. Il nous faut être loin quand l’aube crèvera.
    — Thierry est prêt. Je le suis aussi… et les chevaux également, messire. Nous n’attendions plus que vous deux.
    Ogier se tourna vers Adelis et entrevit ses cheveux pailletés de sable. De ses doigts désunis, il l’en débarrassa.
    — Allez vous apprêter, m’amie. J’y vais aussi… Hâtons-nous !
    Il allait contourner le puits lorsqu’il s’immobilisa :
    — Raymond, dis à Thierry de t’aider à sortir les chevaux… Sais-tu s’il a sellé Facebelle avec la sambue [235] de ma mère ?
    — Il l’a fait, messire. Il a pris comme sommier le genet de Bressolles.
    — Il a bien fait. Où est-il donc ?
    — Thierry ? Avec votre sœur.
    — En quel endroit ?
    — Ah ! ça, je n’en sais rien.
    Ogier vit briller le sourire d’Adelis. Il y répondit. Après tout, elle avait raison : mieux valait accueillir gaiement cette réponse incertaine !

TROISIÈME PARTIE LE CHAMP CLOS DE CHAUVIGNY

I
    Le chemin miroitait sous un quartier de lune. Quelqu’un toussa, ce devait être Champartel. De part et d’autre des errants, la forêt exhalait des relents de feuilles pourries et de terre amollie, engluantée par l’eau des incessantes averses.
    Ogier se retourna, entrevit des visages ; il eut du déplaisir à les imaginer maussades :
    — Du nerf !… Nous sommes sur la bonne voie. Il ne doit nous rester qu’une lieue à couvrir. Un bon feu, une soupe chaude et une bonne nuit nous attendent !
    — En êtes-vous certain, messire ? Nous ne savons rien de ce Chauvigny. Si ça se trouve, les hôtelleries sont pleines… De plus, je crains que nous nous soyons égarés. À Poitiers, nous n’avons pas dû passer par la bonne baille [236] . Ce n’est ni votre faute ni la nôtre mais plutôt celle de cette nuit tôt venue et de cette pluie soudaine…
    Raymond joignit ses plaintes à celle de Thierry :
    — Et ce genet que Bressolles nous a laissé !… Je le traîne comme un martyr, maintenant !… Il semble souffrir autant de l’abandon du maçon que du poids des vêtements, harnois et lances… Il me fait regretter Passavant !
    — Nous avons dû couvrir dix lieues.
    Estimant inutile d’en dire plus, Ogier retint Marchegai, se laissant ainsi rejoindre par Adelis inclinée sur l’encolure de Facebelle et couverte d’un manteau dont la coule la coiffait jusqu’aux sourcils. Une perle bougeait sur son nez ; elle l’effaça de l’avant-bras :
    — Avec cette pluie, vos nouvelles armes seront bien baptisées !
    Le garçon tapota le bouclier accroché au pommeau de sa selle tandis qu’Adelis continuait :
    —  De sable avec un canton d’or à dextre [237] . Ogier d’Ansignan, seigneur du Fenouillet, n’oubliez pas, messire.
    — Je n’aurai garde d’oublier, m’amie. Je n’oublie… rien… Sauf devant les hérauts et les juges, pour lesquels je serai un Ansignan, je m’appellerai Fenouillet… Ce nom me plaît.
    Raymond jura et dit avec prudence :
    — Messire, droit devant, j’ai cru voir une flamme.
    — Tu rêves ! ricana Champartel. Devant et tout autour, c’est aussi noir qu’un conduit de cheminée… Saladin nous aurait avertis.
    Raymond s’abstint de répliquer. Relevant que depuis qu’il allait pouvoir épouser Aude, Thierry, parfois, agissait en prud’homme, Ogier intervint :
    — Nous sommes en pleine montée. Cette motte peut nous cacher un feu.
    Ils avancèrent lentement dans la cage infinie des troncs. Négligeant les odeurs tristes et glaçantes, Saladin trotta près de Marchegai sans souci des éclaboussures.
    — Si ce temps continue, les jouteurs tomberont sans dommage : vaut mieux choir dans la boue que sur un sol sec. Pas vrai, messire ?
    — Oui, Raymond. Encore qu’en ce qui me concerne, je veuille rester le potron sur ma selle !
    Forêt cardée de vent, crépitante, accablante ; clapotis, étincelles des branches égouttées par un coude, une épaule. Il y avait au-dessus d’eux, outre ce plafond liquide coloré d’un soupçon de lune, une sorte de tristesse ou de méchanceté. Davantage encore que l’eau profuse,

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