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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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simplement.
    — Nos chevaux ? s’inquiéta Ogier.
    — Attachés aux arbres… séparément… N’ayez crainte.
    Statue transie, soudée à sa colonne, la captive se trouvait à moins de dix toises, et cessant de fouir la terre afin de reprendre haleine, le fossoyeur – qu’Ogier voyait de dos – l’observait.
    — Merdaille ! hurla soudain l’un des hommes – le trapu dont les mains s’agitèrent. Avoue que tu étais avec la Clisson et dis-moi où vous vous rendiez. Cela suffit pour que nous t’épargnions !
    Un coup de vent égoutta les feuilles. Ogier se frotta le front ; ses paupières battirent :
    — Jeanne de Clisson, les amis… Tout comme la Montfort, elle a depuis longtemps quitté la Bretagne.
    — Avoue ! insista l’homme. Les trois marauds qui vous accompagnaient sont morts et leur fureur à vous défendre a rendu la fuite de cette putain trop aisée !… Par saint Yves, plutôt que de la vouloir vivante, j’aurais dû l’occire sur place… Mais Quintrec et Couzic la poursuivent… Ils la rattraperont !
    — Je ne sais rien de cette femme, protesta la captive dont la voix claire, hautaine, plut à Ogier. J’ai passé tout hier et ce jour d’hui chez la dame de Gouzon, à Chauvigny… Je revenais à Morthemer chez mon oncle, le chevalier Guy II Sénéchal…
    — Je n’en crois rien ! Parle-nous de la Clisson. Et si tu mens encore, je t’enconne incontinent sans même te détacher !
    L’homme dut avoir un geste indécent : la captive cria, provoquant un ébaudissement auquel trois autres s’ajoutèrent.
    — Holà, ma jolie !… Je n’ai mis que le doigt. Tu vois ce qui t’attend ?
    La voix si pure devint chevrotante :
    — Une demi-lieue avant Saint-Martin, ma litière et mes gens ont rejoint cette femme. Un homme, un chevalier, la portait en croupe. Il m’a dit qu’ils venaient de Chauvigny et qu’on n’y trouvait aucun herbergage [240] , ce que je savais. Le tavernier de l’Âne d’Or leur avait recommandé le Poisson couronné, à Saint-Martin… Ils s’y rendaient.
    Des ricanements soulignèrent ces propos. Sans paraître s’en émouvoir, la captive continua :
    — Je leur ai demandé de m’accompagner à Morthemer. J’étais sûre que mon oncle les accueillerait. Elle est montée dans ma litière… Quant à l’homme, il est parti en lui disant : « À Pâques où vous savez. » Voilà, c’est tout.
    — Et ça ne t’a pas paru suspect ?
    — Non. À vingt lieues à la ronde, on sait qu’il y aura dimanche, dans la lice de Chauvigny, les plus belles joutes du royaume.
    — Plus belles, c’est faux ! On voit que tu ne connais point celles de Rennes, Dinan et Pontorson !… Mais continue.
    — Nous avons traversé Saint-Martin…
    — Où je sortais du Poisson couronné  !… J’ai reconnu la Clisson à ton côté… Mes compagnons aussi… On n’est pas Bretons pour rien !
    L’homme dut avoir un nouveau geste obscène.
    — Goujat ! hurla la jeune femme.
    Ogier entendit, presque simultanément, le bruit d’une jouée et des rires.
    — Allons, la belle… Que tu parles ou non, peu me chaut. Compte tenu des trois sergents dont nous avons privé ton oncle, et puisqu’il est de haut lignage, tu comprends aisément qu’il me faut en finir avec toi !… Je jouterai dimanche et tournoierai lundi. Comme je serai le meilleur, tu me nuirais en énarrant cette embûche… et l’on me rirait au nez si j’affirmais que la Clisson t’accompagnait, qu’elle m’a reconnu et glissé des mains !
    Ogier abaissa l’épée de Champartel :
    — Méfie-toi qu’elle ne luise : un rien pourrait nous trahir… Quant à ce malandrin, je ne doute pas de ses dires. Pour que la Clisson ait quitté l’Angleterre, c’est qu’un complot se prépare.
    Ce qu’il savait de Jeanne de Belleville se réduisait à fort peu. Après que Philippe VI eut fait décapiter son époux, Olivier de Clisson, en l’accusant d’avoir trahi la France [241] , elle avait levé une armée. Combattant les Charlots et les compagnies du royaume, elle s’était montrée, envers les vaincus, d’une férocité sans faiblesse. Contrainte de se réfugier à la Cour d’Édouard III avec ses fils [242] , au lieu de s’y tenir quiète comme apparemment l’épouse de Montfort, elle avait obtenu du souverain anglais quelques nefs afin de guerroyer sur mer. Elle avait ainsi envoyé par le fond maints navires aux fleurs de lis.
    — Thierry, chuchota Ogier,

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