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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de pied, cette fois.
    — Sauve-toi vélocement, malebête, sinon je vais t’occire !
    Il entendit un rire bien connu. Comme il se détournait, courroucé, il vit Adelis, vêtue, suivie de Saladin, courir vers la grange tandis qu’assis sur un rocher, l’air réjoui, Briatexte, une queux à la main, affûtait Gloriande, son épée.
    — Toujours généreux, Argouges !
    — Étiez-vous là depuis longtemps ?
    Bleuie de ciel, verdie par les feuillages et les quelques écheveaux d’herbes accrochés à son lit, l’eau du ruisseau tressautait entre les roches et les pierres.
    — J’arrive, compagnon… Je voulais me baigner or, c’est partie remise. Mais j’aimerais connaître la raison… ou l’enjeu de cette attayne [27] entre vous et ce rustique.
    Le vaincu se leva péniblement. Portant sa main à sa bouche bouffie et empourprée par les coups, il s’éloigna, le dos courbe, en toussant et grognant.
    — Cet homme est un bousard [28] , rien de plus ! gémit Ogier en tâtant son menton.
    Il tremblait. Le retour vers Gratot s’annonçait déplaisant. Il vit Briatexte venir à sa rencontre, taillant à grands coups des buissons qui, pourtant, ne le gênaient en rien. Il vivait, lui, dans un courroux continuel.
    — Votre visage a quelque peu souffert, Argouges, et vous aratelez [29] comme un jouvencel qui se pâme. Allons, apaisez-vous : les douces mains d’Adelis vous soigneront bientôt.
    Une expression amère, presque douloureuse, tordit les lèvres de Briatexte :
    — Ah ! les femmes… Venez, l’ami, revenons à la grange.
    Avait-il vu ?
    « Il me prend pour un fou, songea Ogier, s’il sait que je me suis battu pour une ancienne ribaude ! »
    Tout en marchant, son compagnon remit sa Gloriande au fourreau :
    — Il ne vous reste plus qu’à vous changer… Ah ! là là, du côté cœur, je vous sens faillible et sans défense… Par ma foi, la bien divine et terrible espèce que les femelles !… Croyez-moi : si vous êtes reçu à la Cour, vous en côtoierez de toute sorte… Belles… Des putes et des moins putes… Et d’autres, rares, qui ne le seront pas… Que faut-il, vous direz-vous, pour séduire ces dernières ?… L’intelligence ? La sincérité des sentiments exprimés en douceur ?… Nenni, Ogier !… Observez bien les hommes autour de ces charmeuses et vous verrez que la force, la vaillance connue et reconnue, les vertus de l’esprit et du cœur ne valent rien, comparées à la beauté fade, la présomption et l’aisance à conter fleurette ! Les intelligences profondes ennuient pareillement les gentilfames et leurs damoiselles… Elles préfèrent, aux nôtres, les petits cerveaux à semblance des leurs… Elles boudent aux courtoisies qu’on déploie pour leur plaire mais acceptent à plaisir, quelquefois en public, les façons franches, efficaces… Croyez-moi et faites-en votre profit : la main au cul vaut mieux que la main sur le cœur !
    Ogier fut tenté de sourire.
    — Qui êtes-vous, messire, pour avoir fréquenté la Cour ?
    — Que vous importe !… Je ne suis allé que deux fois au palais… La Boiteuse m’a fait les yeux doux… J’en frémis encore… de répugnance, bien sûr !
    Et lâchant un rire saturé de mépris et de haine, Briatexte s’éloigna en direction de son Artus, que Raymond lui amenait.
    Ogier entra dans la grange. Ses compagnons y sellaient les chevaux. Tout en assujettissant les feuquières [30] du mulet, Thierry interrogeait Norbert que secouait une toux rugueuse.
    — Laisse-le, Champartel, il nous quitte… Il changera de vêtements plus loin… Donne-m’en des secs.
    — Pourquoi doit-il partir ? demanda Raymond en s’approchant. Messire, il ne veut en fournir la raison.
    — Que t’importe ! C’est une affaire entre nous.
    Près de l’escalier, Adelis serrait la sous-ventrière de Facebelle. Le dos de sa camisole adhérait à sa chair et lorsqu’elle se penchait, elle révélait ses reins, et dessous, la double courbe voluptueuse, tranchée d’un rai de clarté.
    Après l’action violente, une velléité troublait Ogier. Ses impulsions, désormais, différaient. Ce dont il avait besoin, c’était d’une douceur aussi secrète que sincère et de gestes enveloppants. Son cœur s’imprégnait d’une chaleur diffuse. Plus de convulsions, de froideur et de haine, mais des mouvements lents, empreints d’une tendresse avide.
    « Pas le temps de se sécher. De devant, on doit voir sa poitrine…

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