Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
mais Bressolles lui tend un pourpoint. »
    Dehors, à pleine gorge, Briatexte chantait :
     
    Dame, ayez point peur, je suis là
    Désireux d’amour, corps et âme
    Espérant qu’un beau jour viendra
    Qui vous fera enfin, ô Dame
    Tomber dans ces bras que voilà.
     
    — Hâtons-nous, dit Bressolles.
    Adelis avait-elle instruit le maçon de sa mésaventure ? Ogier se tourna de nouveau vers elle. Non. L’index appuyé sur ses lèvres, rougissante, elle lui souriait.

III
    Oradour apparut derrière un rideau d’arbres : une poignée de maisons et le fuseau d’un clocher. Un sentier y menait, parsemé de bouses gluantes.
    — Bon sang ! s’exclama Thierry. Il me faut retenir Veillantif. On dirait qu’il veut galoper.
    — Jusqu’à un abreuvoir, dit Ogier. Tous ont soif… Nous également.
    Il chevauchait fréquemment à l’arrière, admirant les croupes miroitantes des animaux, leurs cuisses épaisses et musclées, le lent balancement de leurs encolures et de leurs queues dont les crins s’étaient souillés contre leurs jarrets. Il aimait à entendre, sur les cailloux et les rocs, le cliquetis du fer ajusté au sabot, les tintements deslormeries [31] et les hennissements brefs et rares auxquels Saladin ajoutait ses cris. Il y avait, entre ces animaux, une accointance exemplaire.
    Raymond fut le premier sur le seuil du village.
    — Encore, compagnons, un méchant mal de vivre.
    Délabrement, dénuement. Sous un appentis, un homme clouait des planches ; devant un seuil, une aïeule écossait quelques poignées de lentilles.
    — Tristesse et misère, commenta Briatexte. Croyez-moi tous : on vit mieux en Aquitaine.
    — Alors, messire, s’écria Thierry, si l’on y est si bien, allez-y ou revenez-y !
    — Pour nous, ajouta Raymond, les Gascons sont des émasculés. Faut être ainsi pour accepter la suzeraineté d’un Goddon !… Pas vrai, messire ?
    Ogier approuva, satisfait d’être pris pour arbitre. Briatexte répliqua, placide :
    — Édouard III, de bon droit, règne sur la Gascogne [32] . Il devrait également régner sur la France, puisqu’il est le seul descendant direct de Philippe le Bel… Votre orgueilleux Valois n’est qu’un bâtard, et je me demande pourquoi tu lui es tout acquis, Argouges… Car enfin, d’après ce que j’ai compris, c’est avec son assentiment que Blainville a dégradé ton père !
    Ogier fut insensible au tutoiement, mais la glose sur la contribution du roi aux malheurs de sa famille l’obligea, sans passion, à se justifier :
    — Je n’ai guère d’estime pour notre sire Philippe. Il est cependant suzerain de ce royaume auquel j’appartiens et que, par conséquent, je défendrai contre quiconque le voudra préjudicier. En ces temps difficiles, la France me fait parfois songer à une femme malheureuse, livrée aux malandrins de toute espèce, et dont l’époux – Philippe VI – n’est point trop amoureux, bien qu’il affecte le contraire… Je me sens enclin à défendre toutes les femmes en détresse… que ça vous plaise ou non, Briatexte.
    Se détournant, il vit qu’Adelis souriait. Délivrée de Norbert, son sang se réchauffait… Belle dans ce matin tiède, et fraîche comme cette eau dans laquelle il l’avait entrevue.
    « Aime-t-elle Bressolles ? » se demanda-t-il, agacé de lui porter tant d’intérêt. « Non ! Elle lui sait bon gré de l’avoir traitée avec des égards. »
    Ce n’était pas ainsi qu’il imaginait les ribaudes. Il les voyait hirsutes, dépoitraillées, usant d’un langage pire que celui des gens d’armes… Adelis était-elle une exception ?… Voilà qu’ils entraient dans la ville. Quelques fumées glissaient sur les toits de chaume et d’ardoise.
    — Marcepin boite, annonça Raymond d’un ton contrit. Il doit perdre un fer.
    — Ça m’étonnerait ! s’exclama Thierry. Je les ai tous regardés avant notre départ.
    D’une ébrillade [33] qui parut déplaire à Marchegai, Ogier leur fit face :
    — Silence, les gars !… Nous allons bien trouver un fèvre en ce pays.
    Ils franchirent un pont enjambant un ruisseau, s’insinuèrent entre des façades sans vie. La rue pavée, sonore, les conduisit devant une église au portail béant. Ils se signèrent et la contournèrent. Au lavoir, tout proche d’une halle sous laquelle jouaient des enfants, trois femmes caquetaient. Elles levèrent en direction des étrangers un visage perplexe. Des linges troués flottaient sur une

Weitere Kostenlose Bücher