Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
à rire, sans souci de s’enlaidir davantage.
    — Je ne sais lequel d’entre vous lance si bien les lames : voyez Kéguiner, qui tient la bride du mulet… L’acier s’est enfoncé d’un pouce entre ses épaules… Et pourtant, il faisait aussi noir que dans le cul d’Édouard… Allons, allons !… J’ai perdu ma proie mais ne vous garde pas rancune… Il en serait allé différemment si j’avais tenu l’autre à ma merci !
    Puis, avec une moue, et la voix moins grognante :
    — Beau pays, selon vous ?
    — Nous y arrivons.
    Ogier s’efforçait à la sérénité : il sentait l’aversion de ce Breton tellement rêche et déterminée que tout dialogue sensé lui paraissait impossible. Si par bonheur la lice lui était ouverte, il défierait cet outrageux. Il le bouterait hors de selle… « et je suis sûr qu’il trouvera des excuses ! » Réduit à ces conjectures, non seulement il feignit d’oublier l’escarmouche nocturne, mais il déclara d’un ton péniblement affable :
    — Quand le soleil luit comme ce matin, le Poitou vaut bien la Normandie et la Bretagne.
    Il vit le regard de Guesclin s’assombrir, puis tomber sur ses éperons :
    — La Normandie assurément vaut ce Poitou où l’on s’embourbe !… Mais sache-le, chevalier  : rien ne peut égaler la Bretagne, même celle des Goddons et païens de Montfort !… Et quiconque me contredit sur ce point tâte aussitôt de mon épée.
    Puis, souriant :
    — Les filles sont-elles belles ?
    Il était si proche de Marchegai que celui-ci, l’observant de près, frémit et recula. Ogier sourit :
    — Même s’il y a des filles jolies, rieuses et bien atournées comme celles qu’on voit là-bas, elles ne doivent pas valoir, selon toi, les Bretonnes… même celles du parti de Jean de Montfort !
    Indifférent à la dérision, Guesclin interpella Champartel :
    — Des Juifs ?
    — Nous n’en savons rien… Mais pourquoi donc, messire ?
    — Hé, hé, l’écuyer !… Mais pour les molester à défaut de les pouvoir occire ! Es-tu vraiment chrétien pour oser pareille question ?
    Comme Thierry s’abstenait de répondre, le Breton dégorgea un rire coassant auquel se joignirent ceux de ses compagnons – y compris le gonfanonier à l’aigle.
    — Allons, chevalier au grand cœur, je te laisse avec ta femme ou ta concubine et tes compères. Je t’attendrai de pied ferme à la montre des heaumes et des écus !
    Sur un signe d’au revoir, le huron s’en alla, devançant ses Bretons hilares.
    — Eh bien, vous le connaissez maintenant ! dit Briatexte en remettant le pied à l’étrier. Sachez que ce malebouche a trois ennemis : le Breton de Montfort, le Goddon et le Juif.
    Croisant le regard de cet homme irritant, pour une fois assagi, Ogier crut bon de relever :
    — Vous semblez le bien connaître. Pourquoi avez-vous rajusté cette étrivière ? Pour éviter de le saluer ?
    — J’ai mes raisons.
    — Vous avez vu comme il m’a regardée ? dit Adelis, inquiète.
    — J’ai vu. Il ne peut rien contre vous.
    Négligeant Raymond, Champartel, et même Saladin assis, près de Veillantif, Ogier reporta son attention sur les barrières. L’espace qu’elles délimitaient était bien le plus grand qu’il eût vu :
    — Cinquante toises de long, vingt-cinq de large. Les chevaux auront de quoi galoper !
    — Vous aurez le temps d’y penser ! Mais regardez, messire : Guesclin couchera sous la tente.
    Suivant la direction indiquée par Thierry, Ogier vit les Bretons arrêtés au bord de la Vienne. L’un d’eux débâtait leur mulet.
    — Que sont-ils venus faire à Chauvigny ? marmonna Briatexte.
    — Tournoyer, dit Ogier. Guesclin est, par ma foi, une laideur vivante. La renommée compense les malfaçons dont sans doute il souffre en silence.
    Et il pressa Marchegai.
    Ils longèrent, au bord du ruisseau entrevu à leur arrivée, les murailles de la cité.
    — Ce flot, c’est le Talbat, annonça Briatexte. Hier, Artus et moi y avons pris un bain.
    Enjambant ces douves naturelles, un pont menait à une porte défendue par deux tourelles. Il y avait là, en compagnie des sergents du guet, une douzaine d’indigents et d’impotents dont les mains se tendirent :
    — Pitié ! Pitié, messires, au nom de Dieu.
    — À votre bon cœur ! Que ce jeudi vous soit propice…
    — Jeudi 13. Baillez-nous un treizain [294] .
    Visages tristes, corps décharnés, penailles. Où qu’on allât, des

Weitere Kostenlose Bücher