Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
heureux !
    Briatexte s’était exprimé d’une voix égale, témoignant tout à coup d’une espèce de détachement pour les propos qu’il avait formulés. D’un grand mouvement du bras, il parut les jeter par-dessus son épaule.
    — Je ne saurais, dit-il, définir le bonheur.
    « Moi non plus, songea Ogier. À moins qu’il n’existe que dans la vengeance. »
    Sous les voûtes stagnait un froid de cathédrale, et du double alignement des troncs droits et serrés se dégageait une telle solennité qu’il laissa Marchegai réduire son allure. Englouti dans la paix de cette nef verdâtre et regardant fixement Briatexte, il affirma :
    — La Clisson est ici.
    Il vit se contracter le visage noir, énergique :
    — Je ne sais où elle est… Laisse-la en paix.
    Homme imprévisible ! Le Breton eût pu demander :
    « Comment sais-tu cela ? L’as-tu rencontrée ? De qui tiens-tu cette nouvelle ? » Il eût pu rire et nier ; insidieusement, il menaçait. Ogier se garda d’autant plus d’insister que Champartel, rejoignant Adelis, s’exclamait :
    — Ils doivent être plus de cent à préparer la lice !
    Quittant les colonnes feuillues, ils avancèrent dans la prairie où œuvraient les manants.
     
    *
     
    De loin en loin des maçons creusaient le sol pour y sceller, au mortier de chaux, les pieux destinés à soutenir la haute et double forclose [287] rectangulaire, munie de poutres mobiles sur chacune des largeurs. De là s’élanceraient tout d’abord les jouteurs, de part et d’autre de la barrière médiane que des menuisiers installaient ; de là également, cette barrière ôtée, fondraient l’un sur l’autre, dans un galop bourdonnant, les deux essaims de tournoyeurs.
    — C’est grand, hein, messire ! s’écria Champartel.
    — Tant mieux pour vous, dit Raymond. Là-dedans, la mêlée sera moins étouffante.
    Ogier observait, mesurait du regard. Sur une des longueurs du champ, face aux remparts de la cité baignés par un cours d’eau, des charpentiers érigeaient trois échafauds, l’ambon central, par ses dimensions et sa hauteur, étant destiné soit aux dames, soit à la noblesse et au clergé. D’autres, au bord du ruisseau, aménageaient un recet [288] et des couloirs destinés aux allées et venues de l’assistance, et d’autres préparaient sur un talus dominant la Vienne les clôtures des écuries. Tout près de cette enclave s’élevaient une trentaine de tentes ; les couleurs franches des unes – dix ou douze – tranchaient sur le fond de verdure et de ciel. Leurs voisines, noires ou grisâtres, révélaient la présence de petits seigneurs et chevaliers errants, riches de hardiesse, d’ambition et sans écu vaillant. Des palefreniers se déplaçaient entre les cônes et les cubes de drap, tirant des destriers par la bride. Des écuyers et des sergents fourbissaient des armures, et quand le soleil touchait une de leurs plates, elle miroitait autant que la rivière. Des feux flambaient. Aux souffles du vent, les gonfanons se plissaient, mêlant parfois leurs longues langues.
    Ogier frémit : ainsi, il y était ! Il se pencha. Le sol herbu semblait plat, régulier, à peine bosselé par quelques taupinières. Aucun danger d’y voir Marchegai trébucher.
    — Nous reviendrons ici demain, Thierry… Il faut que nous fassions courir et tourner nos chevaux dans ce pré… Ils nous feront aussi quelques sauts et pennades… Oui, compagnons : demain nous planterons notre pavillon à l’écart des autres, là-bas, près de cette orière [289] .
    Et comme Raymond semblait vouloir émettre une objection :
    — À Morthemer, nous perdrions tous notre temps !
    Adelis l’ayant approuvé d’un sourire, Ogier s’imagina en harnois brillant, lance au poing, sur Marchegai, son splendide complément houssé de neuf, fier d’être superbe, et ramassant sa dure et souple musculature pour courir au-devant de leurs rivaux. Il entendit le bruit de la prime rupture, le hennissement du cheval adverse sous le heurt, et il imagina les dames sur leurs bancs, s’exclamant puis chuchotant, troublées sinon admiratives : « Le beau coup ! Avez-vous vu de quoi ce chevalier a paré son heaume ?
    — Un poing !… Un poing vengeur ! – Pas même rose chair, mais rouge sang ! » Un poing de bois léger, taillé par Champartel lors des soirées d’hiver, peint et repeint à la poudre de garance.
    — Messire, dit l’écuyer, faudrait se mettre en quête des

Weitere Kostenlose Bücher