Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
hérauts pour leur présenter nos armes… Nous sommes bien venus pour ça ?
    — Tourne-toi : les voilà.
    Vêtus de pourpre et d’or, des hommes à cheval apparaissaient : le roi d’armes – un barbu arrogant –, les hérauts et poursuivants d’armes ; un des juges diseurs, sa verge blanche appuyée sur l’épaule, son juge de pied, son trompette et son poursuivant [290] . Comme le roi d’armes se tournait vers lui, Ogier vit l’écusson de son pourpoint.
    —  De gueules à deux fasces d’or [291] , dit-il. Les armes d’Alix d’Harcourt.
    — Tu es bien informé, dit Briatexte, soudain maussade.
    — Je n’en ai nul mérite. Mon père connaissait bien les Harcourt… Celui qu’on appelle le Boiteux fréquentait Gratot lorsque j’étais enfant. Quand il l’a su prêt à s’allier aux Anglais pour assouvir ses ambitions, mon père a rompu, sans dénonciation ni querelle… Et je crois bien que le Godefroy lui en garde respect… Mais pourquoi faites-vous cette tête, Enguerrand ? Craindriez-vous que je le rencontre ici, présentement ? Il est en Angleterre et non à Chauvigny…
    Les mâchoires du Breton se serrèrent si fort que ses joues se creusèrent. Cependant, il en fallait davantage pour décontenancer un tel homme. Désignant le roi d’armes et sa suite, il trouva une diversion :
    — Ils sont allés crier des appels au tournoi… Quant à ceux que tu vois remuer parmi les tentes, leurs cerveaux sont chauffés à blanc… Déjà des défis se sont échangés… Prends garde, Ogier, à ne pas te faire trop d’ennemis : ils pourraient te cerner un bon coup lors du tournoi et te mettre en piteux état… Ah ! là, là, que de monde on attend… Il paraît que les hôtelleries sont pleines jusqu’à Poitiers… Veux-tu que je te mène aux juges ? Je leur ai remis hier mes armes de tournoi…
    — On saura les trouver seuls, dit Champartel. Pas vrai, messire ?
    Ogier ne répondit rien, regardant le grand champ où s’affronteraient les jouteurs. Combien resteraient en selle après la première course ?
    — L’herbe est bien drue, dit-il.
    — As-tu déjà jouté, Ogier ?
    — Jouté, oui… Tournoyé, non.
    Il y eut un silence empli du souffle des chevaux, du clapotement de leurs sabots, du tintement des éperons et des gourmettes. Briatexte toussa et lança sur Adelis un regard étonné – peut-être convoiteux. Il l’avait vue en haillons durant le sac de Saint-Rémy, il avait peine à croire qu’elle fut devenue si digne et désirable. Il dit soudain – et plutôt qu’un conseil, c’était une menace doucereuse :
    — Méfie-toi, Ogier… Méfie-toi de tout, sauf de moi… Et pour le cas où tu voudrais t’énamourer, voilà de quoi t’égayer !
    Il désignait une procession de bourgeoises et de servantes. Elles riaient et des jouvencelles chantaient. Elles portaient en direction d’une estrade gardée par deux picquenaires, des rouleaux de tentures et de tapisseries.
    « Des femmes, songea Ogier. Raymond et Thierry n’ont pas eu ma bonne chance de cette nuit… Mais était-ce une bonne chance ? »
    Des manouvriers passèrent et des mains voltigèrent autour des robes et des surcots, provoquant des protestations. et des cris brusquement dissipés, car un jouvenceau hurlait :
    — En voilà d’autres !
    Sur le chemin conduisant au champ clos, une petite brigade de cavaliers apparaissait. Ils chantaient cette chanson bien connue où l’on voyait la Vierge endosser l’armure d’un chevalier en prière pour aller tournoyer à sa place.
    … ainsi advint
    Que quand le jour du tournoi vint
    Il se hâta de chevaucher
    Bien voulut être en champ premier
    Dans le vent, une des bannières des nouveaux venus s’effilait comme une dague. « L’hermine plein, songea Ogier. Ce sont les Bretons. » Sur l’autre, un oiseau à deux têtes semblait prêt à prendre son vol. Fronçant les sourcils et penché en avant, Ogier lut enfin : «  D’argent à l’aigle de sable éployée, béquée et armée de gueules à la bande de gueules brochant sur le tout. » Un charpentier passa devant Marchegai et s’écria en se déchargeant d’une planche peinte dont le blanc de céruse lui resta sur l’épaule :
    — Compères ! Commères ! Voici l’aigle et l’hermine de Bretagne.
    Le regard d’Ogier rencontra celui de Briatexte ; une exécration terrible l’animait. Il n’eut pas à l’interroger car près d’eux, un vieux manant confiait à un

Weitere Kostenlose Bücher