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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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plutôt que de les surprendre, ce sont eux qui me surprennent ? Je perdrai la vie incontinent ! »
    Perplexe, Ogier laissa Marchegai l’emmener.

VI
    Immobile sous un chêne, devant l’hôtellerie de l’Âne d’Or, Artus rongeait son frein, sa noble tête enfouie dans la pénombre claire, le reste de son corps exposé au soleil. Parfois, lorsqu’il s’ébrouait, on entendait tinter les plates de l’armure dont Briatexte n’avait pas jugé utile de le soulager.
    — Ce maudit Breton nous devance toujours.
    — Eh oui, messire Ogier, soupira Raymond. Notre Adelis n’est point arrivée. Jamais, seule, elle n’entrerait dans ce coupe-gorge.
    Sise au-delà des murailles et proche d’un petit pont enjambant le Talbat, l’auberge avait un aspect tellement rébarbatif que Saladin se retourna pour demander, d’un regard, s’il devait toujours aller de l’avant.
    — Reviens, exigea Ogier. On pourrait te recevoir à coups de fourche !
    Pour une fois, le chien obéit de bon gré.
    — Et si Adelis nous attend dedans ? supposa Thierry. Faut vérifier qu’elle n’y est pas… Elle n’a pas froid aux yeux et elle a connu des demeures bien pires.
    — Non ! s’entêta Raymond. En voyant Briatexte, elle serait ressortie.
    L’enceinte, croulante, limitait une cour pavée au fond de laquelle s’élevait un bâtiment massif, coiffé de tuiles et flanqué d’une tourelle dans laquelle devait passer l’escalier accédant aux deux étages et aux combles aménagés en logis. Des lessives coloraient les baies et les lucarnes : pourpoints, chemises, chausses, chaperons défaits, ainsi qu’une housse de velours pourpre. Ces singuliers pavois et le vacarme débordant de ses profondeurs, par ses baies ouvertes, aggravaient, plutôt que de l’atténuer, la tristesse de l’édifice.
    — J’entre et reviens, dit Ogier.
    — Pas seul, messire ! Briatexte a peut-être rejoint des compères… Tenez : voyez ces bêtes dans le champ.
    Au-delà des murs, dans une prairie détrempée, trois chevaux broutaient.
    — Ils ont, dit Raymond, conservé sacs et harnois.
    — Pourquoi les laisser là quand il y a une écurie ?
    Ogier sourit :
    — Ce sont des coursiers de pauvres… Regardez-les ! Deux bêtes sont cagneuses, l’autre maigre et rouvieuse : elles appartiennent à des hurons… Méfions-nous, les gars, de flairer des conjurés partout… et craignons aussi de n’en voir aucun !
    — On se destourbe bien, dit Raymond. Moi, à votre place, messire, j’affronterais Blainville à la joute avec l’intention de l’occire et non de le bouter hors de selle. Votre haine devrait augmenter votre coup !
    — Cette mort-là ne rendrait pas l’honneur à ma famille… Attendez-moi, je vais jeter un coup d’œil. Ensuite, nous irons vider un gobelet.
    Ogier s’éloignait ; Thierry le rejoignit :
    — Messire, cet endroit me paraît mal famé. Briatexte y a sûrement rejoint quelques compères…
    — Où veux-tu en venir ?
    — Je vois que vous vous courroucez contre moi, mais je ne m’en soucie point !… Voilà : au cas où l’un de nous sentirait un danger, comment nous en avertir sans éveiller la défiance de ceux qui pourraient nous vouloir du mal ?
    Ogier s’apaisa et sourit :
    — Ta prudence m’est d’un grand réconfort, Thierry.
    Alors, voilà : si l’un de nous devine une menace réelle, il fera ainsi à deux ou trois reprises…
    Lâchant les rênes, Ogier claqua et se frotta les mains. Ensuite, courbé pour éviter l’âne de l’enseigne passé récemment à la dorure, il invita ses compagnons à le suivre.
    À droite, il y avait une grange à toit de chaume ; à gauche, une écurie pouvant contenir vingt chevaux jouxtait une forge en plein vent. L’aire comprise entre ces dépendances et l’auberge était presque tout entière occupée par un tas de fumier grouillant de volailles. Assise sur un banc près d’un puits à poulie, une aïeule chauffait son visage au soleil. Ogier la salua et atteignit la taverne. Passant devant une fenêtre, il entrevit les lueurs de l’âtre et des ombres en mouvement. Une femme chantait. Lorsqu’elle se tut, des cris et des frappements de mains retentirent : la gaieté n’était pas qu’en ville.
    — Attachons nos chevaux près de cet abreuvoir. Adelis les verra.
    Comme ils mettaient pied à terre, la porte du bâtiment s’ouvrit ; une demi-douzaine d’hommes en sortirent : chevaliers, écuyers, sergents. Tous se

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