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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prenait sa place. Elle soulagea le bateleur de ses cruchons, et celui-ci se remit d’aplomb par une cabriole. Alors, elle s’assit près d’Ogier, qu’elle salua d’un sourire en plaçant les récipients devant lui. Briatexte aussitôt l’entreprit en élevant la voix car on applaudissait :
    — La fille, veux-tu chanter pour mes compagnons une de ces pastourelles qui nous ont égayés ?
    D’un regard, Thierry et Ogier se consultèrent : le Breton était demeuré dans cette salle plus longtemps qu’il ne l’avait affirmé, et c’était sciemment qu’il les avait amenés devant cette fenêtre : pour guetter les arrivées et prévenir au besoin les menaces. Quant à la bateleuse, elle riait. Elle avait des yeux et des dents de louve.
    — Ah ! sacré manant, dit-elle à Briatexte. Tu veux que tes compères vivent les choses de l’amour par ma bouche, si je puis dire, plutôt que de les accomplir de grand cœur ! Eh bien, non, je ne chanterai pas : tes voisins me paraissent trop aimables pour ouïr ces prézies [309] dont ma singesse elle-même se courrouce.
    — Cette grenuche me répugne. Elle ressemble à notre reine… Je te parlais de tes chansons à boire.
    — Non !… Le damoiseau que tu viens d’amener est bien trop avenant… C’est un rondeau d’amour qu’il me faut lui chanter.
    — D’où venez-vous ? demanda Ogier.
    — De Bourges… Nos chevaux étaient fourbus. Nous les avons laissés dans le pré d’à côté… Nous demeurerons à Chauvigny le temps des liesses… Nous avons quitté Paris l’an passé, bannis par Guillaume de Gourmont, ce prévôt malveillant et sévère [310] . Depuis, nous errons… et je prie chaque jour pour que ce goguelu souffre et crève !
    La voix vibrante, hargneuse, devint douce, plaintive :
    — Offrez-nous à boire, messeigneurs !… Et nullement une piquette à bochet [311] telle que ces pichets en contiennent mais du vin vrai, lourd et austère : du vin de Montargis !… Vous devez être plus généreux que ces hurons, ces manants, ces sergents affamés, assoiffés… J’ai le gosier sec… Holà ! Jeannette, approche.
    Une femme accourut, pâle, la mine inquiète. Ogier lui donna trente-cinq ans. Brune, ses cheveux s’argentaient par place. Elle avait de beaux yeux noirs, un front haut, la bouche épaisse, un peu tremblante. Sa voix chevrota tandis qu’elle demandait :
    — Que faut-il vous porter, messires ?
    Ogier se sentit épié avec une attention particulière. Il semblait que Briatexte cherchait soudain sur son visage levé vers la servante, un signe, une expression dont il eût dû s’inquiéter. Que craignait-il ? Qu’il cherchât à savoir si elle était fille des hôteliers et, dans la négative, d’où elle venait ?
    — Ne la contemple pas tant, Argou… Fenouillet !… Ne vois-tu pas que tu…
    Ogier se tourna vers son voisin. Aucun doute : les traits tendus du toujours impassible Enguerrand révélaient, tout à la fois, de l’anxiété, de la colère et de l’impatience.
    — Jeannette, dit-il, hâte-toi. Donne-nous du meilleur : du grenache noir.
    — Et n’en verse pas, cette fois, se moqua le jongleur en intervertissant la ronde des couteaux… Vous voyez, messires ?… Mes lames passent et repassent… Armes de paix, au contraire des vôtres… Hé oui, messires les sergents et vous, les prud’hommes. Elles n’ont jamais troué que le néant… Pas de cris, pas de sang…
    Il secoua la tête et ses grelots tintèrent ; puis il s’ébaudit :
    — Les édiles de Chauvigny ont-ils fait préparer des cercueils ?… Il va y avoir moult trépas dimanche et lundi… Joutes, tournois, j’ai assisté à vingt amusettes pareilles… Boum ! Crac ! On voit gésir dans leur fer trois, quatre, parfois dix morts… Et les navrés que l’on compte par dizaines !… Ah ! ma bonne gent, que la vaillance est sotte… Elle ferait mieux de contourner la lice chauvinoise pour courir sus aux Anglais.
    — Ce drôle risque le pilori, grommela Briatexte. Parce qu’il dit vrai.
    — Hardis buveurs et mangeurs de rôtis, continuait le jongleur, ne croyez-vous pas que tous ces chevaliers feraient bien d’aller prêter main-forte au duc Jean, qui s’enfelonne [312] devant Aiguillon où les Goddons lui font la nique !… Où sont passés les preux qui firent franque Jérusalem ?… Les Goddons nous meshaignent et nous tuent ; les Gascons, les Bretons, les Flamands s’en sont amourés. Plutôt que de

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