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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’unir pour les assaillir un bon coup et les vaincre, savez-vous à quoi nos chevaliers occupent leur temps ? Vous allez le savoir avant que de les voir : les combats de champ clos sont leur délectation… Notre royaume est ainsi bien préservé !
    Récoltant ses couteaux sur ses paumes, le bateleur haussa le ton :
    — Qu’ils continuent d’avoir cette vaillance-là, et croyez-moi : la terre de France aura l’Anglais pour maître avant un an !
    Il y eut un silence pendant lequel Ogier songea : « Il dit la vérité », tout en observant Jeannette. Pâle, immobile, la servante semblait prête à s’indigner… Un sourire de mépris plissa légèrement sa bouche. Près d’elle, la hure mécontente, le tenancier s’écria :
    — Vomis encore quelques sottises pareilles et je te mettrai à la porte avec tes compagnons !… Bon Dieu, si le guet te saisissait, avant ce soir tu serais en geôle et demain, tu te trouverais dans quelque cachot d’Angle-sur-l’Anglin !… On dit que Johan Talebast en prendra le commandement puisque, depuis ce matin, Guillaume d’Allemaigne devient capitaine du château de l’évêque…
    Ogier ne put écouter la suite : la guenon s’était installée entre Hérodiade et lui. Tandis que, sous ses paupières clignotantes, ses yeux pétillaient de gaieté, sa longue main velue caressait la prise de Confiance.
    — Elle aime ce qui brille, expliqua la jongleuse. Elle aime aussi les beaux damoiseaux… Eh oui, les bêtes peuvent avoir du sentiment… Tenez, voyez votre chien : après qu’elle l’a ébaubi, voilà qu’il se prend d’amitié pour Apolline… C’est son nom… Et le sien, c’est comment ?
    — Saladin.
    — Seigneur ! Savez-vous que les chiens, d’ordinaire, grognent et veulent la mordre ? Le vôtre a l’air bon…
    Élevant la voix, et l’index pointé vers la fille de salle :
    — Alors Jeannette, ça vient ?
    Puis, dédaigneuse :
    — Elle n’a jamais servi, celle-là, j’en suis sûre… La petite, là-bas, Perrine, oui… Mais cette manante ! Regardez bien ses mains quand elle approchera. Elle a des doigts de…
    — Paix, ribaude ! exigea Briatexte en abattant son poing sur le plateau souillé de miettes de pain et de peaux de saucisson. Ne sais-tu pas que l’eau de vaisselle, grasse à souhait, entretient les mains mieux qu’un onguent ?
    — C’est la première fois qu’il me faut ouïr cette sorne ! Dis-moi, l’homme : à voir tes vêtements, tu sembles appartenir à la ribaudaille plutôt qu’aux manants de Chauvigny d’où sort cette mâtine… Alors, si tu veux mon avis, ferme ta grande goule !
    Le coup porta : Ogier en fut soucieux pour la bateleuse. Il comprit qu’elle saurait se défendre lorsqu’elle ajouta :
    — T’en serais pas amouré ?
    Sous les poils fournis qui la cernaient, la bouche du Breton se pinça :
    — Truande, si j’avais à m’éprendre, ce ne serait pas d’une vacelle [313]  !
    Ogier observa la servante. Elle avait fui la contre-verse à pas précipités. Elle venait de disparaître derrière les tonneaux pour s’y entretenir avec l’hôtelier dont la tête branlait de mécontentement. Dans la salle, un murmure se propageait, prenait une densité menaçante. Le jongleur déposa ses couteaux sur la table, non loin de Briatexte et, s’agenouillant, feignit d’adjurer sa compagne :
    — Ma sœur, il te faut apaiser l’assemblée.
    S’emparant d’un pichet, il but à la régalade, tandis que l’acrobate insistait :
    — Tu leur avais promis la danse des sept voiles. Si tu renonces, ils nous en voudront méchamment.
    Vingt ans, échevelés, maigres comme des figures de portail, les deux garçons souriaient tandis que leurs yeux exprimaient une mélancolie sans doute inguérissable.
    — Lui, c’est Denis, mon frère ; l’autre, c’est Marcaillou et il vient d’Avignon.
    Hérodiade s’interrompit et prit d’autant mieux la rumeur à son compte que son nom parsemait les piétinements, tintements de gobelets et martèlements de poings sur les tables.
    Ogier vit cinq ou six regards fixés sur lui. « Pourquoi ces hurons me regardent-ils ainsi ?… On dirait qu’ils m’en veulent… Et de quoi ? » Briatexte, lui, souriait. Était-il de connivence avec ces hommes ? « Ils sont assis ensemble… Sont-ils des compagnons du Breton ? » Rien ne prouvait qu’ils le fussent, mais rien, également, ne le démentait. C’était la seule tablée paisible de

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