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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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comme hébétés de plaisir, d’autres frémissants d’impatience. Hérodiade leur fit une révérence, mains aux hanches, puis, le buste rejeté en arrière, ses seins drus et ambrés hardiment exhibés, elle éclata d’un rire dédaigneux :
    — Tout beau, les goguelus affamés de luxure… Reculez, gloutons ! Reculez, vous dis-je, et bas les pattes… Faut-il que je vous malmène ?
    À grands coups de poing, elle se donna de l’espace. Certains hommes bronchèrent, proférèrent des injures ; d’autres obéirent en riant niaisement. Ramonnet résista aux bourrades ; cependant, sur un signe de Leignes, il retourna s’asseoir.
    — Il enrage, marmonna Briatexte. Elle ferait bien de se garder d’un tel frelon : ses piqûres sont venimeuses…
    Ogier se montra peu surpris de ces commentaires. Son malaise ne cessait de croître. À sa gauche, et le geste prompt : Briatexte. À sa droite, Leignes et Ramonnet. Ils feignaient de se passionner pour la danseuse, mais comment l’eussent-ils abusé ? Quand l’un des deux cessait de les observer, ses compagnons et lui, d’un regard sournois et oblique, l’autre le suppléait.
    Dominant les protestations et les injures, Hérodiade à présent défiait l’assemblée :
    — … vous croyez que je vais vous montrer d’autres trésors que mes tétons sans que vous ayez par avance acquitté vos écots pour la cérémonie ?… Apolline, m’amie, trouve un chaperon et commence la quête… Fais la récolte des gros sous, deniers, agnels d’or s’il s’en trouve !… Fais cracher ces piliers de bordeau !… Un peu de chair crue, trois touffes de poils et les voilà, mort-Dieu, la Floberge en avant !… Attrape donc le chaperon de ton voisin !
    La guenon décoiffa Ogier ; il prit le parti d’en rire avec les musiciens. Sa bonne humeur parut déplaire non seulement à Leignes et Ramonnet, mais à tous les voyeurs béats et indécis. L’un d’eux, s’asseyant de guingois sur la table, juste devant Briatexte, sursauta, la fesse piquée.
    — Ne viens pas me boucher la vue, grand couillon !
    Le Breton replanta le couteau dans la table tandis que le manant s’éloignait. Hérodiade leva les bras, révélant ainsi ses goussets buissonneux :
    — Prenez garde, tas de convoiteux : si je n’ai pas le creux de cette coiffe bien rempli, je conserve mon voile… et mieux : je me rhabille… Allons, vas-y, ma fille !
    Le chaperon tendu, Apolline s’élança en dandinant ses fesses roses tandis que, se rengorgeant, la danseuse admonestait les avares et les incertains :
    — Tu ne donnes pas, l’homme ?… Et toi, sergent, non plus ?… Verrats ! Garnements ! Que le diable vous châtre… Et toi, le borgne ?… Ah ! là, là, tu peux l’arrondir, ton œil ; il ne sera jamais aussi grand que le cul d’Édouard II… Manants de Chauvigny et d’ailleurs, vous bouillonnez de lubricité comme une soupe de raves sur des fagots ardents. Vous en bavez !… Eh oui, toi le morveux, là-bas, tu bavotes dans ton écuelle… Mais tu donnes, c’est bien : Dieu t’en tiendra compte… Et vous, les six, aux faces de presbytériens ! Avec vos prunelles allumées comme des feux de la Saint-Jean, vous êtes plus effrayants qu’une demi-douzaine de Goddons… Mais vous contribuez ; je vous en rends grâces… Et toi, le barbu au hoquet ! Tu me refuses l’aumône ? Ils te plaisent, pourtant, mes tétons ! Pour un écu je t’accorde de les toucher… Tiens, même mon nombril si tu m’en donnes deux. Ce blason soyeux en diable, dis-tu ? Ah ! non : nul d’entre vous n’y foutra son pal… Je veux bien découvrir mes trésors aux passants… Mais point celui-là : je suis pucelle !
    Des cris et des protestations, des sifflets et des insultes interrompirent ces propos. Hérodiade y répondit par des pirouettes. Ses seins remuaient. Apolline allait d’homme en homme, sautillant et riant devant les hésitants. Les six maçons se juchaient sur leur table afin d’avoir meilleure vue. Ils étaient donc incapables de nuire. Mais les autres ?
    Réprimant un soupir d’impuissance, et renonçant à découvrir quelque visage plus malveillant que d’autres dans la cohue des curieux, Ogier entendit Hérodiade vitupérer quatre sergents avares :
    — À vos bourses, ventre-Dieu ! Et pas celles qui pendent entre vos cuisses !
    Quand ils eurent obtempéré, Apolline se présenta devant Thierry. L’écuyer tira quatre sous de son escarcelle et les jeta

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